Attentats du 13 novembre 2015, qu’est-ce qui se passe dans le cerveau des personnes exposées ?

Déclenché à la suite des attentats du 13 novembre 2015, le plus vaste programme de recherche au monde a été mis en place afin d’étudier l’impact psychologique de ces événements majeurs sur le plan collectif et individuel. Les premiers résultats de ce programme toujours en cours commencent à être dévoilés.

Baptisé « 13 novembre », le programme de recherche lancé à la suite des attentats survenus au Stade de France, au Bataclan et dans des terrasses de cafés parisiens, vise à étudier les aspects sociologiques, psychologiques et sanitaires des marques laissées par ces actes terroristes.

Sous la direction de Francis Eustache ,neuropsychologue à Caen, et de l’historien Denis Peschanski, ce programme devrait s’étendre sur 12 années consécutives.

Une mémoire collective entachée à jamais

La première étude de ce programme visait à étudier l’impact des attentats du 13 novembre 2015 sur le plan collectif et social. Les premiers résultats ont montré que ces événements majeurs ont marqué profondément la totalité de la société française, et ce quelque soit les couches sociales. Les traces de la mémoire collective construite au fil des années (articles de presse, réseaux sociaux, commémorations) seront ensuite confrontées aux témoignages individuels des personnes directement exposées aux faits afin d’étudier leur interrelation.

« L’étude 1000 » multidisciplinaire pour voir au cœur du cerveau

Cette étude est basée sur le recueil d’interviews de 934 personnes directement exposées aux attentats, du plus proche au plus lointain. Ces interviews filmés et réalisés sous la responsabilité de l’INA et de l’ECPAD du ministère de la Défense totalisent 1.431 heures de tournage. Les volontaires seront interrogés à quatre reprises en dix ans.

L’analyse de ces interviews d’une très grande qualité est réalisée par des scientifiques de divers horizons : historiens, sociologues, psychologues et psychopathologues, ce qui en fait un projet multidisciplinaire large. Les objectifs de cette étude toucheront à divers domaines : objectifs historiques (construction du grand récit), sociologiques et médicaux (étude de l’état de stress post-traumatique).

L’ étude biomédicale ancillaire « Remember » portant sur 200 personnes parmi les 934 personnes interrogées a pour but d’étudier l’état de stress post-traumatique et sa relation avec différents facteurs . Un tiers des sujets sont des sujets contrôles et les deux tiers sont des personnes du cercle 1 c’est-à-dire des personnes exposées directement aux attentats. L’objectif étant de comprendre pourquoi certaines personnes développent un état de stress post-traumatique à la suite de ces événements alors que d’autres arrivent à se protéger grâce à des mécanismes de résilience. L’étude vise aussi à décoder l’articulation entre mémoire individuelle et mémoire collective à la suite d’un événement traumatique.

Les 200 volontaires bénéficient ainsi d’une batterie d’examens médicaux au Laboratoire de Francis Eustache à Caen : IRM cérébrales et autres explorations neuropsychologiques et psychopathologiques. Ces examens ont été entamés après 6 mois des attentats. Les mêmes captations et mesures de l’activité cérébrales sont reproduites 2 ans après, 5ans après et pour les captations vidéo 10 ans après. Ceci permettrait de comprendre la construction de la mémoire individuelle et collective.

A la suite des événements du 13 novembre 2015, on a enregistré un pic net et sans précédent des passages aux urgences (le 14, le 16 et le 17 novembre). La plupart des personnes ayant consulté étaient diagnostiquées avec un état de stress post-traumatique ou encore d’une réaction aigüe au stress.

Les premiers résultats de l’étude « Remember » montrent un contraste entre le groupe contrôle et les personnes exposées aux attentats. Chez ces derniers présentant un état de stress post-traumatique, la connectivité cérébrale fonctionne mal et n’arrive pas à repousser les images intrusives relatives aux événements. Ceci est visible en imagerie cérébrale.

L’étude est encore en cours et devrait répondre à un ensemble de questions : pourquoi certaines personnes exposées aux attentats développent un ESPT, alors que d’autres non, et quels sont les facteurs qui jouent dans cette variabilité (stabilité professionnelle, familiale, etc.), quelle est l’influence de la mémoire collective et des traces laissées dans la société sur la mémoire des  personnes exposées aux faits…

Pour en savoir plus sur ce programme de recherche :

http://www.memoire13novembre.fr/