Asalée, ça marche ?

Le dispositif Action de santé libérale en équipe permet au médecin généraliste de déléguer certains actes au personnel infirmier. Quid de l'impact sur son activité ? Sur le nombre de jours travaillés ? Sur le nombre de patients reçus et de consultations ?

Recentrer le médecin généraliste sur son cœur de métier

L'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) a publié en avril 2019 les résultats d’une évaluation du dispositif Action de santé libérale en équipe (Asalée). La délégation d’actes d’un médecin généraliste à un personnel infirmier modifie-t-elle l’activité du médecin généraliste ? 

Créée en 2004 à l’initiative d’un médecin généraliste afin d'améliorer la prise en charge des maladies chroniques en médecine de ville, cette délégation est encadrée par quatre protocoles portant sur le diabète (dépistage et prise en charge), le risque cardio-vasculaire (suivi des patients, dont la mise en place d’APA), la BPCO (dépistage et sevrage tabagique) et les troubles cognitifs (dépistage). Par exemple, le personnel infirmier peut prescrire un électrocardiogramme et le réaliser à condition qu’un médecin puisse l’interpréter dans la foulée. Ces soignants sont notamment formés à l’éducation thérapeutique, un élément majeur du dispositif.

Au 31 décembre 2017, Asalée était composée de 533 personnels infirmiers, dont environ 25 % de libéraux qui consacrent en moyenne 1,5 jours par semaine à cette activité. Au total, cet effectif représente 267 équivalents temps plein. Il exerce dans 753 cabinets auprès de 1 959 médecins. Le financement d’Asalée a évolué au fil du temps. L’association reçoit désormais un budget de la Cnamts par personnel infirmier via la CPAM de Niort.

L'impact du dispositif a été évalué via une étude de l’évolution de l’activité des médecins généralistes qui l’ont intégré entre 2011 et 2015, période durant laquelle Asalée a connu un fort développement. Cette étude portait sur l’activité, au cours de la période 2010-2016, de 418 médecins généralistes Asalée versus 1 124 médecins généralistes témoins disposant de caractéristiques semblables. Les résultats de ce programme d’évaluation nommé Daphnee (Doctor and Advanced Public Health Nurse Experiment Evaluation) montrent que l’entrée dans le dispositif Asalée impacte la taille de la patientèle mais pas le nombre des consultations au cabinet ou à domicile. En déléguant une partie de leur activité, les médecins dégagent du temps qui leur permet d’accroître la taille de leur patientèle.

Un nombre de jours travaillés quasiment inchangé

Concernant le nombre moyen de jours travaillés, les statistiques ne montrent pas de différence flagrante entre l’échantillon Asalée et le groupe témoin. Il est évalué à 52 jours par trimestre sur la période 2010-2016. La légère augmentation (+2 %) du nombre de jours travaillés suite à l’entrée dans le dispositif Asalée est fortement concentrée sur les médecins qui exercent dans les communes appartenant au 25 % de zones où l’accès aux médecins généralistes est le plus difficile. Le temps dégagé a donc probablement été réalloué à une augmentation de l’activité.

Un nombre de consultations identique mais davantage de patients

L’évolution de la taille de la patientèle des médecins généralistes Asalée se distingue de celle des témoins. Elle augmente sensiblement pour le groupe Asalée alors qu'elle diminue pour le groupe témoin, l'écart entre les deux se creusant avec le temps. L’augmentation du nombre de patients par médecin traitant est significative. Par trimestre, elle est de + 58 patients en file active (soit + 6,6 %) et + 30 patients inscrits (soit + 7,7 %). Elle est essentiellement concentrée dans les communes où l’accessibilité aux soins de médecine générale est la moins favorable. À noter : cette augmentation est observée chez les binômes médecin-personnel infirmier qui ont déjà établi une coopération prononcée (éducation thérapeutique et actes dérogatoires) et non chez ceux dont la coopération est en phase de développement.

Le nombre de consultations par trimestre ne semble quant à lui pas impacté par l’entrée dans l’expérimentation. Le temps médical libéré semble bien réalloué au suivi d’un plus grand nombre de patients. À la clef, c’est donc l’accès aux soins qui s’en trouve amélioré.

Puisque le gain d’efficience est d’autant plus important que la coopération médecin-personnel infirmier est forte, il est probable qu’un élargissement des activités déléguées l’accroitrait encore. Pourtant, il est trop tôt pour extrapoler ces résultats à d’autres dispositifs qui mettraient en jeu des pratiques infirmières avancées. En effet, cette évaluation dépasse le cadre d'une stricte coopération entre professionnels : elle inclut également l'impact de l’association Asalée, qui organise le dispositif et gère l’aspect financier. Pour avoir une idée précise de l’efficience technique de ces binômes, il faudrait disposer d’informations sur le temps consacré aux actes par le personnel infirmier et sur le montant des rémunérations. Des résultats à affiner, donc. Quant à l’évaluation de la qualité des soins, de prochaines publications sont déjà prévues, portant notamment sur les patients diabétiques.

Source :
La coopération avec une infirmière modifie-t-elle l’activité du médecin généraliste ? - L’impact du dispositif Asalée
Christophe Loussouarn (Erudite, Upec, Irdes), Carine Franc (CESP, Inserm UMR 1018, Irdes), Yann Videau (Erudite, Upec), Julien Mousquès (Irdes)
Questions d'économie de la Santé, n°241 - Avril 2019 (IRDES)