L’allaitement joue un rôle immunologique majeur sur l’enfant

L’allaitement est reconnu pour apporter des bénéfices tels que la protection contre des infections gastro-intestinales ou une influence positive sur l’immunité de la progéniture, grâce au nombreux composants immuno-actifs présents dans le lait maternel (protéines, cytokines, hormones, anticorps..). Le transfert de cellules immunitaires maternell

L’allaitement est reconnu pour apporter des bénéfices tels que la protection contre des infections gastro-intestinales ou une influence positive sur l’immunité de la progéniture, grâce au nombreux composants immuno-actifs présents dans le lait maternel (protéines, cytokines, hormones, anticorps..). Le transfert de cellules immunitaires maternelles par l’allaitement confère une immunité passive à court terme.

Contexte

Cependant, les effets bénéfiques peuvent perdurer au-delà de la période de sevrage, suggérant un mécanisme actif par lequel les cellules maternelles transférées participeraient au développement du répertoire immunitaire chez la progéniture.

Etude et méthodes

Pour faire suite à cette observation faite sur modèle murin, les auteurs ont mené des expériences d’allaitement, par des souris immunisées, de souriceaux nés de souris non-immunisées (DOI: 10.4049/jimmunol.1502483). Les analyses cellulaires sont effectuées par cytométrie de flux ou immunohistochimie, et les souris immunisées avant reproduction sont positives à la GFP (fluorophore), permettant de déterminer facilement l’origine des cellules immunitaires chez les souriceaux.

Résultats

L’analyse de différents tissus des souriceaux montre une incorporation et/ou rétention des cellules maternelles transférées par l’allaitement dans le thymus et la rate (augmentation graduelle et exponentielle, respectivement, p<0.05). A trois jours de vie des souriceaux, 90 à 100 % des cellules maternelles dans le thymus sont positives au CMH-2 (complexe présent à la surface des cellules présentatrices d’antigènes). Ce taux diminue à 7 jours puis atteint de nouveau un haut pourcentage à 14 jours, indiquant un nouvel influx maternel. Dans la rate, quasiment toutes les cellules maternelles sont positives au CMH-2 jusqu’à 21 jours. Toutes ces cellules CMH-2+ dans le thymus et la rate sont également CD4+. Des tests de marquage spécifique éliminent la probabilité qu’il s’agissent de cellules dendritiques. Une proportion variable, mais pouvant atteindre 100%, de cellules d’origine maternelle CMH+/CD4+ dans le thymus est également positive au marqueur CD44 (spécifique des lymphocytes T4 mémoire). De plus, le taux de cellules CD4+/CD44+ dans le lait maternel diminue avec le temps (différence entre 3 et 14 jours, p<0.01).

Par un marquage spécifique du CMH-2, le lait dans l’intestin et le thymus des souriceaux révèlent des pourcentages faibles mais constants de cellules CD4+ positives aux immunogènes avec lesquels les souris allaitantes avaient été infectées. Ainsi, la réponse immune cellulaire spécifique chez les souris immunisées est présente dans le lait maternel et atteint le thymus des souriceaux non-immunisés. Dans la rate des souriceaux de 3 semaines, une stimulation antigénique de même nature que l’immunisation des souris allaitantes se traduit par une augmentation significative des cellules T CD8+ produisant interféron-gamma et interleukine-2 (p<0.05). Les cellules T CD8+/IFN-γ sont à plus de 90% originaire du thymus des souriceaux à 5 et 7 semaines, puis dès 12 semaines plus aucune origine maternelle n’est décelée, et ce jusqu’à 52 semaines, bien après le sevrage (p<0.0001). Chez des souriceaux allaités par des souris immunisées et traitées pour inhiber les cellules CD4+, la réponse en cellules T CD8+/IFN-γ par stimulation de la rate à 5 semaines est 60 à 70% inférieure (p<0.01).

Conclusions

Cette étude met en évidence l’effet de l’immunisation maternelle et de l’allaitement sur le développement chez la progéniture d’une répertoire immunitaire spécifique. Il s’agit là d’un rôle immunologique majeur de l’allaitement, à long terme, qui viendrait s’ajouter à l’effet d’immunité passive déjà bien connu. Les auteurs proposent un modèle selon lequel le complexe CMH-antigène des cellules maternelles CMH-2+/CD4+, présentatrices de l’antigène suite à l’immunisation maternelle, serait protégé par internalisation en compartiment vésiculaire non-dégradatif, durant la migration au travers des barrières mammaire, intestinale puis épithéliale (thymus). Ils suggèrent un grand potentiel de l’apprivoisement de l’éducation immunitaire maternelle par immunisation en pré-grossesse, dans l’amélioration des stratégies de vaccination dans le cadre de pathologies nécessitant une réponse immune de type cellulaire.

Texte : esanum / jd
Photo :Lifebrary / Shutterstock


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