Allaitement et bromocriptine: de nouvelles recommandations

Dès 2012, l’ANSM avait émis des mises en garde concernant les médicaments contenant de la bromocriptine utilisés dans l’inhibition de la lactation en post-partum. Mais en 2013, des signalements d’effets indésirables graves persistaient toujours, conduisant parfois au décès de la patiente: – sur le plan cardiovasculaire de

Dès 2012, l’ANSM avait émis des mises en garde concernant les médicaments contenant de la bromocriptine utilisés dans l’inhibition de la lactation en post-partum.

Mais en 2013, des signalements d’effets indésirables graves persistaient toujours, conduisant parfois au décès de la patiente:

– sur le plan cardiovasculaire des accidents vasculaires cérébraux, des infarctus du myocarde et des cas d’hypertension artérielle

– sur le plan neuropsychiatrique: des convulsions, des hallucinations ou des confusions mentales

Ces effets sont connus et mentionnés dans le résumé des caractéristiques du produit depuis 1994 en France, avec en plus des contre-indications et des précautions d’emploi pour sécuriser son utilisation. Les incidents signalés étaient souvent associés au non-respect de la posologie ou des contre-indications (par exemple 50% des patientes ayant présenté un effet indésirable cardiovasculaire avait au moins un facteur de risque cardiovasculaire), c’est pourquoi l’ANSM a demandé une réévaluation du dossier à l’échelle européenne.

En juillet 2014, l’Agence Européenne du Médicament a donc à son tour rendu un rapport sur la bromocriptine utilisée dans l’arrêt de la lactation. Il en ressort selon le comité pour l’évaluation des risques en pharmacovigilance (PRAC) que la balance bénéfice/risque est favorable si la molécule est utilisée dans les indications et les posologies strictement inscrites dans sa notice d’utilisation. Ainsi toute patiente présentant une hypertension non contrôlée, des troubles hypertensifs pendant ou après la grossesse, des antécédents de maladie coronarienne ou d’une autre affection cardiovasculaire grave ou encore des antécédents/symptômes de troubles psychiatriques graves ne doit pas recevoir de bromocriptine. Le tabagisme et l’excès de poids (IMC > 25 kg/m²) augmentent aussi le risque de complications. Elle rappelle que l’utilisation d’un médicament pour inhiber la lactation doit être réservée aux motifs médicaux: décès intra-utérin, décès néonatal, infection maternelle par le VIH…

Mais laisse-t-on alors les jeunes mères dans leur douleur?

De nombreux témoignages de femmes ayant accouché et ne pouvant ou ne voulant pas allaiter leur enfant dévoile la grande douleur et l’inconfort ressentis par 30 à 40% d’entre elles au moment des montées de lait. Un sentiment d’abandon thérapeutique est souvent ressenti dans les maternités qui appliquent déjà les recommandations de l’ANSM et ne prescrivent pas de traitement aux femmes qui n’allaitent pas. Des thérapies homéopathiques sont proposées, mais les patientes sont rarement pleinement soulagées. L’engorgement ou les douleurs en post-partum peuvent également être pris en charge par des traitements non pharmacologiques (poche de glace, support ferme de la poitrine) ou par des analgésiques simples.

N’ y a-t-il cependant pas d’autres alternatives médicamenteuses?

D’autres spécialités sont aussi autorisées pour l’inhibition de la lactation: le lisuride ou la cabergoline qui sont également des agonistes dopaminergiques, mais avec lesquels aucun effet indésirable grave cardiovasculaire ou neuropsychiatrique n’a été reporté.

Mais à nouveau, la prise systématique d’un médicament pour inhiber la lactation n’est pas recommandée.

En conclusion depuis la lettre d’information de l’ANSM aux professionnels de santé en janvier 2015, il ne faut plus prescrire de bromocriptine pour inhiber la lactation pour des raisons non médicales. Si la femme n’allaite pas, la lactation s’interrompt d’elle-même en une à deux semaines et la prise en charge de l’inconfort doit se faire de manière non pharmacologique. Au-delà d’un mois après l’accouchement le sevrage médicamenteux de l’allaitement est encore moins justifié car la glande mammaire est autonome et le taux de prolactine retourne son niveau de base. La bromocriptine qui freine la libération de prolactine n’a donc plus d’intérêt.

L’ANSM rappelle que le rapport bénéfice/risque de la bromocriptine n’est pas modifié dans ses autres indications: hyperprolactinémie et maladie de Parkinson notamment. Enfin il est important que les professionnels de santé déclarent immédiatement tout effet indésirable suspecté d’être dû à la bromocriptine au centre régional de pharmacovigilance dont ils dépendent. S’il y a une hypertension artérielle, une douleur thoracique, des céphalées sévères, progressives ou sans rémission (avec ou sans troubles visuels) ou une toxicité au niveau du système nerveux central il est recommandé d’arrêter le traitement par bromocriptine et d’examiner la patiente rapidement.