Les maladies atopiques apparaissent tôt, dans la période néonatale, sous forme d’eczéma ou d’allergies alimentaires, puis évoluent avec l’âge en rhinites allergiques et asthme. L’âge des premiers signes allergiques suggère qu’une modulation précoce de la fonction immunitaire est essentielle au développement de la maladie atopique. La littérature fait état de taux élevés d’AGPI n-6 chez des enfants présentant un eczéma atopique, d’associations négatives entre AGPI n-3 et eczéma chez des enfants à partir de 2 ans, et d’associations entre AGPI et allergies chez des nourrissons de 3 mois, dépendamment du type d’AGPI.
L’étude multicentrique européenne IDEFICS (identification et prévention des effets du régime alimentaire et du style de vie sur la santé des enfants et nourrissons) a été conduite entre 2006 et 2012 sur 16228 enfants de 8 pays différents, âgés de 2 à 9 ans. Les données d’allergies et les analyses sanguines de composition en acides gras de 2594 participants ont été analysées et récemment publiées dans le European Journal of Clinical Nutrition (DOI: 10.1038/ejcn.2016.158). Le phénotype allergique (alimentaire, eczéma, rhinite..) a été confirmé par un médecin, et les parents ont été questionnés sur le statut allergique de l’enfant (allergie passée, en cours, ou jamais). Les analyses de composition sanguine en acides gras ont été faites par chromatographie en phase gazeuse, et les valeurs sont exprimées en pourcentage de la masse totale d’acides gras.
Une allergie actuelle est rapportée pour 13% des participants, dont un tiers ont été diagnostiqués avant l’âge de 2 ans. Les allergies guéries représentent 23% de tous les cas d’allergies (actuelles et passées), dont 40% de cas diagnostiqués avant l’âge de 2 ans. Par rapport aux enfants sans aucune allergie, les cas d’allergies actuelles correspondent à un plus fort taux d’historique familial d’allergie (3 vs. 1%, p<0.05), à plus de cas d’enfant unique (26 vs. 21%, p<0.05) et à une proportion inférieure d’enfants nourris exclusivement au sein pendant au moins 4 mois (42 vs. 49%, p<0.05). Des plus grandes proportions d’AGPI totaux et d’AGPI n-6 sont également observées (30.9 vs 30.4% et 28.8 vs 28.3% respectivement, p<0.05), ainsi qu’une plus faible proportion d’AGMI (acides gras mono-insaturés, 24.6 vs 25.1%, p<0.001). Les analyses basées sur l’âge montrent des variations particulièrement marquées des taux d’acides gras chez les enfants de moins de 4 ans.
D’une façon globale, le risque allergique s’accroît avec l’augmentation de la proportion d’AGPI n-6 (OR=1.21, IC95%=[1.05-1.40], p<0.05) et diminue avec l’augmentation de la proportion d’AGMI (OR=0.75, [0.65-0.87], p<0.05). Les AGPI n-3 ne sont pas associés au risque allergique global mais leur élévation augmente ce risque chez les enfants de moins de 4 ans (OR=1.62, IC95%=[1.15-2.29], p<0.01). Les associations relatives aux AGPI n-6 et aux AGMI sont renforcées dans cette catégorie d’âge (OR=1.54, [1.01-2.34] et OR=0.63, [0.42-0.95] respectivement, p<0.05). En particulier, avant 4 ans, des effets significatifs sont détectés pour les taux d’acide palmitoléique (AGMI, OR=0.56, [0.34-0.92], p=0.02), l’acide dihomo-γ-linolénique (AGPI n-6, OR=1.54, [1.03-2.28], p=0.04) et l’acide docosapentaénoïque (AGPI n-3, OR=1.62, [1.12-2.35, p=0.01). Ce dernier est un facteur de risque encore plus fort pour les enfants de moins de 4 ans présentant une allergie actuelle diagnostiquée avant les 2 ans (OR=2.88, [1.73-4.80]).
Cette étude révèle des différences de composition sanguine en acides gras entre des enfants présentant une allergie actuelle et ceux n’en ayant jamais développée, dans une population âgée de 2 à 9 ans. Des associations avec le risque allergique ont pu être mises en évidence pour certaines classes d’acide gras et certains acides gras spécifiques. Différentes études suggèrent une perturbation du métabolisme des acides gras essentiels, à l’origine de ces compositions modifiées chez les enfants allergiques. Une étude a également révélé des taux supérieurs d’AGPI dans des échantillons de sang de cordon d’enfants allergiques. Des effets immuno-modulateurs sont associés aux AGPI, et leur transmission par le sang de cordon puis par nourrissage prolongé exclusif au sein pourrait entraver le développement immunitaire de l’enfant, potentiellement à l’origine de la maladie atopique. La présente étude soutient cette hypothèse par des associations plus fortes chez des enfants de moins de 4 ans, diagnostiqués avant l’âge de 2 ans.
Texte : esanum / jd
Photo : FreeBirdPhotos / Shutterstock
Découvrez d’autres comptes-rendus d’études ici : COMPTES-RENDUS D’ETUDES