Les images que nous voyons seraient modifiées par ce nous nous attendons à voir

Selon cette étude, les êtres humains ne voient pas les actions des autres telles qu’elles le sont réellement, mais légèrement déformées par leurs attentes

C’est ce qu’affirme une nouvelle étude conduite par une équipe de chercheurs en psychologie de l’Université de Plymouth et publiée le 8 août dans Proceedings of the Royal Society B.

Selon cette étude, les êtres humains ne voient pas les actions des autres telles qu’elles le sont réellement, mais légèrement déformées par leurs attentes.

La perception de l’action « efficace » peut déformer la réalité

Cette étude, financée par le Conseil des Recherches Economiques et Sociales, pourrait fournir une explication à la perception des actions ambigües de certaines personnes comme étant des actions significatives.

En totalité, 85 sujets ont participé à l’étude dont 62 femmes ayant une moyenne d’âge de 24 ans. Les participants à l’étude ont observé sur un écran tactile la main d’un acteur atteindre une cible selon une trajectoire droite ou arquée. Dans certaines projections des actions, une obstruction a été placée entre la main et l’objet cible à atteindre.

Ainsi, et dans le cas où il n’y aurait pas d’obstruction, la trajectoire rectiligne permet d’atteindre librement l’objet et serait ainsi « efficace » alors que la trajectoire arquée est qualifiée comme étant « inefficace »  et inattendue. La trajectoire arquée permet d’éviter l’obstruction alors que la trajectoire droite risque de l’entraîner et est « inefficace ».

Au cours de l’expérience, l’action a été arrêtée à mi-trajectoire et les participants ont désigné sur l’écran de la main la dernière position aperçue de la main. Les résultats ont montré que les participants ont aperçu la position de la main un peu plus haut lorsque la trajectoire rectiligne était inefficace afin d’éviter l’obstruction, alors qu’elle était plus basse se dirigeant vers la cible lors de la trajectoire arquée lorsqu’il n’y avait pas de cible.

Dans les deux situations, les perceptions des participants étaient basées sur ce qu’ils attendaient de la trajectoire de la main afin de maximiser l’efficacité de l’opération et non sur ce que réalise la main en réalité. En d’autres termes, les rapports de perception étaient systématiquement orientés vers la cinématique de référence idéale ou « efficace ».

Matthew Hudson, auteur de l’étude a déclaré qu’au-delà des dimensions de l’expérience et du mouvement physique, ceci permet d’aider à comprendre les perceptions des personnes envers les comportements des autres. Le principe d’action efficace fournit un signal de référence perceptuel  amenant vers une voie plus rationnelle.

Un mode de réflexion axé sur l’efficacité des moyens

Le mode d’interprétation des comportements par les primates serait centré sur les objectifs à atteindre. Ainsi les êtres humains s’attendent à ce que les autres atteignent leurs objectifs par les moyens les plus efficaces possibles. Ce fait est largement reconnu par les psychologues. Cependant, les mécanismes sous-jacents à ce mode de perception n’ont pas encore été élucidés.

Cette étude permet de tirer plusieurs conclusions importantes. Déjà, elle permet de conclure que les personnes réalisent des prédictions en observant les actions d’autrui et peuvent ainsi les utiliser pour voir si les autres personnes perçoivent les choses de la même manière ou pas. De telles prédictions permettent aussi de réaliser des tâches coordonnées entre plusieurs personnes.

En conclusion, ces résultats montrent que les personnes perçoivent les actions d’un certain angle selon leurs propres attentes. Certains comportements peuvent ainsi paraître plus mauvais qu’ils ne le sont en réalité alors que d’autres comportements ambigus peuvent paraître significatifs. La co-auteure de cette étude Katrina McDonough a déclaré: "Ces résultats sont vraiment utiles pour comprendre comment nous percevons directement les croyances, les intentions et les émotions suscitées par les actions des autres. Une prochaine étape possible permettrait de comprendre comment un déficit dans cette capacité pourrait contribuer au développement de certaines difficultés au niveau des interactions sociales comme celles rencontrées dans certains états pathologiques tels que l’autisme et la schizophrénie.

Sources : Matthew Hudson, Katrina L. McDonough, Rhys Edwards, Patrick Bach.Perceptual teleology: expectations of action efficiency bias social perception. Publié le 8 Août 2018.DOI: 10.1098/rspb.2018.0638