Rythme de travail vs. rythme biologique

L'être humain a une horloge biologique interne qui influence son comportement, ses rythmes et fonctions biologiques. On parle d’horloge et de rythmes circadiens (le cycle hormonal du cortisol ou les variations de température corporelle). Devoir dormir à des moments où cette horloge favorise l'éveil peut conduire à des périodes de sommeil plus courtes et perturbées, altérant ainsi le rythme circadien responsable de l’alternance veille-sommeil. C’est le cas des travailleurs postés et/de nuit qui développent plus de maladies que les autres à cause des troubles de ce rythme.

D’un point de vue réglementaire, le travail en trois fois huit heures, dit “posté”, consiste à travailler huit heures d’affilées à des moments différents de la journée ou de la nuit au cours de la semaine. De même, le travail de nuit se définit comme tout travail accompli entre 21 heures et 6 heures du matin.

Quels risques ou conséquences sur la santé des travailleurs ont donc été identifiés ?

Sur ces postes, une diminution de l’ordre d’une à deux heures de sommeil par 24h conduit à une privation chronique de sommeil et contribue à une plus faible vigilance au travail, à une hausse du risque d'accidents de voiture au retour, à une somnolence pendant la période d’éveil et une perturbation du sommeil durant le jour.
Des travaux antérieurs ont montré que les personnes soumises à ce rythme présentent davantage d'hypertension artérielle et de perturbations lipidiques, deux facteurs concourant à l’apparition d’un syndrome métabolique et accroissant le risque de maladie cardiovasculaire (infarctus et accident vasculaire cérébral) mais également le risque de développer une résistance à l’insuline, des troubles gastro-intestinaux (ulcères et problèmes de transit), des troubles psychiques (dépressions) ou encore des troubles cognitifs avec des problèmes mnésiques.
En 2010 le Centre International de Recherche contre le Cancer (CIRC) a classé le travail entraînant des perturbations du rythme circadien comme "probablement cancérigène", pour confirmer cet avis, l’étude cohorte CECILE suivie par une équipe Inserm, montre une augmentation de 30 % du risque de cancer du sein chez les femmes travaillant régulièrement de nuit. L’exposition à la lumière durant la nuit, la perturbation du fonctionnement des gènes de l’horloge biologique, ou encore les troubles du sommeil perturberaient les mécanismes anti-cancéreux de l’organisme.

En médecine du travail, le Code du Travail impose une surveillance médicale 2 fois par an aux travailleurs affectés de nuit. Ainsi sont dépistés les troubles du sommeil et les somnolences en périodes d’éveil. Néanmoins, ce contrôle ne suffisant pas, la Société Française de Médecine du Travail a publié en 2012 un rapport tamponné du label de la Haute Autorité de Santé (HAS) pour informer les institutions de ces chiffres, et y rédige des recommandations de bonne pratique à destination des travailleurs et de leur médecin.

Les recommandations sont articulées autour des mesures de prévention des risques et de surveillance médicale des travailleurs à mettre en place :
-Il est recommandé d’informer les travailleurs de maintenir une bonne hygiène de sommeil (7h de sommeil par 24h, éviter le sport et les écrans avant de dormir, se coucher à une heure correcte, dans le noir et au calme, ou encore se relever en cas d’impossibilité de s’endormir)

-Une sieste courte (inférieure à 30 minutes) est recommandée pour réduire les troubles de la vigilance et diminuer la somnolence chez les travailleurs.

-L’exposition à la lumière avant la prise de poste est recommandée pour faciliter l’adaptation au travail. La limitation de l’exposition à la lumière en fin de poste est recommandée pour faciliter le sommeil. Cette hygiène de lumière permet une meilleure vigilance pendant les heures de travail et un sommeil de meilleure qualité au retour.

-Un café en début de poste peut améliorer la vigilance au travail.

-Le recours aux médicaments psychostimulants et hypnotiques n’est pas recommandé chez les travailleurs postés et/ou de nuit.

-Chez la femme enceinte, il est recommandé d’éviter le travail posté et/ou le travail de nuit à partir de 12 semaines d’aménorrhée.

La luminothérapie aide l'horloge circadienne à s'aligner avec les heures de travail et de repos et représente le traitement de référence actuel.
Cette solution brillante nous permet donc d’attendre les réponses des scientifiques aux mystères de la désynchronisation du rythme circadien et de ses conséquences sur l’organisme.