Résistances aux antibiotiques et océan Pacifique, un tournant thérapeutique.

Les antibiotiques c’est pas automatique… mais c’est bien pratique.

Découvertes au XXème siècle, ces molécules sont responsables du virage sanitaire des 150 dernières années.

Eloignant des populations les grands fléaux infectieux, édifiant les concepts de santé publique et d’hygiène et améliorant l’espérance de vie mondiale on constate à l’heure actuelle de plus en plus de résistances à ces remèdes miracles. L’utilisation massive et répétée des antibiotiques, leur prescription parfois à mauvais escient (dans les cas d’infections virales par exemple) mal suivi (mauvais dosage, automédication, raccourcissement de traitement,…) sont les principales causes de cette résistance grandissante.

En effet, les bactéries menacées par cette arme chimique se sont adaptées et ont élaboré de nouvelles stratégies de défense via des échanges génétiques ou des mutations, tout cela ayant pour conséquence de diminuer l’efficacité médicamenteuse des antibiotiques, voire de conduire au risque d’impasse thérapeutique en supprimant toute action du médicament sur le pathogène.

Les bactéries Multi-Résistantes (BMR) apparaissent en milieu hospitalier mais aussi en ville et se répandent rapidement, au rythme fulgurant de leur division cellulaire. Ces souches font l’objet d’une surveillance aiguë par les autorités (Institut National de Veille Sanitaire pour la France, ou plus généralement l’Organisation Mondiale de la Santé) depuis les années 2000. Un communiqué de presse publié par l’OMS titre d’ailleurs en avril 2014, « la résistance aux antibiotiques: une menace grave d’ampleur mondiale »

Les résistances autrefois peu inquiétantes représentent aujourd’hui un vrai problème de santé publique.

Comme issue à cette situation préoccupante, un appel à la réduction de la consommation d’antibiotiques a été lancé pour lever la pression de sélection exercée sur les bactéries.

De leur côté, les laboratoires et les chercheurs n’épargnent pas leurs efforts pour parvenir de nouveau à distancer les bactéries de nos soucis quotidiens. Pour ce faire, tous les coups sont permis et place à l’originalité. Une équipe américaine de San Diego a eu l’audace de rechercher des solutions au cœur de ce berceau de l’humanité qu’est l’océan, réservoir encore méconnu de faune, de flore et de chimie. Les scientifiques ont ainsi identifié Streptomyces sp., une espèce bactérienne marine, capable de synthétiser l’Anthracimycine. Cet antibiotique n’en est encore qu’aux premiers stades de découverte, mais présente déjà une efficacité in-vitro à l’égard des agents de la maladie du charbon (ou pour les anglophone anthrax, c’est une maladie infectieuse aigüe causée par Bacillus anthracis) et du SARM (Staphylococcus Aureus Resistant à la Méthicilline).

« L’importance de ce travail réside principalement dans la structure unique de l’anthracimycine », indique le directeur de cette étude, William Fenical.

La majorité des antibiotiques actuellement sur le marché ont des structures similaires et sont facilement contrecarrés par les bactéries. « Nous avons besoin de nouveaux antibiotiques performants, c’est-à-dire qui possèdent des structures chimiques totalement différentes de celles répandues aujourd’hui » continue t-il.

Les axes de recherche les plus urgents concernent cependant les entérobactéries productrices de bêta-lactamases à spectre étendu (EBLSE), telles que Escherichia coli ou Klebsiella pneumoniae, mais aussi Acinetobacter baumanii et Pseudomonas aeruginosa du côté des infections nosocomiales ou encore le SARM.

Les initiatives telles que TARA Océan, Pharmacéa et les orientations scientifiques des instituts polaires mondiaux montrent que dans le sillage de l’Anthracimycine, des solutions aux résistances ne tarderont pas à émerger.

Ainsi, l’Anthracimycine n’est qu’un exemple, mais permet aux scientifiques d’ouvrir une écoutille sur le pont de la recherche thérapeutique pour trouver de quoi se protéger et voguer en toute quiétude vers les siècles à venir.