Quel peut être le rôle de la thérapie cellulaire dans les situations d'urgence neurologique?

Les traumatismes crâniens font partie des urgences fréquemment rencontrées dans un service d'urgence. Il s'agit du motif d'hospitalisation de 155 000 personnes en France chaque année, dont 8500 qui en garderont des séquelles invalidantes variables en fonction de la zone cérébrale atteinte (sensorielle, physique ou cognitive notamment). Les causes sont multiples: accidents de la voie publique, chutes, loisirs ou encore maltraitance...

On dispose de peu de moyens pour réparer des zones du système nerveux central (SNC) traumatisées et les récupérations sont très souvent minimes. Mais depuis quelques années, un nouvel espoir est placé dans la thérapie cellulaire. Il s'agit d'une stratégie "substitutive" par la greffe de cellules remplaçant anatomiquement et fonctionnellement les neurones défaillants. Voici quelques voies d'étude de nouvelles méthodes de prise en charge des lésions cérébrales.

Pour l'instant, la majorité des études portent sur l'animal, mais on a déjà pu montrer l'efficacité des cellules souches dans le SNC. Dans le cadre d'une atteinte de la moelle épinière, elles permettent de remplacer les cellules mais aussi de former un environnement propice à la régénération et à la production de myéline. Ce renforcement évite aussi l'apparition de blessures secondaires sur la zone fragilisée: elles sécrèteraient des facteurs de croissance, absorberaient les radicaux libres présents ou auraient une action anti-inflammatoire.

L'équipe d'Afsaneh Gaillard (Unité Inserm 1084), en collaboration avec l'Institut de recherche interdisciplinaire en biologie humaine et moléculaire de Bruxelles, ont obtenu de bons résultats concernant la réparation du cortex après la greffe de neurones corticaux dérivés de cellules souches pluripotentes embryonnaires chez la souris. Une restauration des voies lésées a été observée lorsque le type de neurone injecté était identique à celui de la région concernée. Cette équipe s'intéresse particulièrement aux lésions cérébrales liées aux accidents de la voie publique et à la maladie de Parkinson même si l'étendue des applications serait bien plus large. Une fois la greffe effectuée dans les régions corticales motrices (qui étaient atteintes), ils ont observé les effets de la greffe par l'amélioration de l'agilité de la souris. Par la suite, ils ont effectué des coupes de tissus cérébraux sur lesquelles on peut voir une très bonne intégration des neurones greffés (marqués par un fluorochrome) dans le tissu préexistant.

Mais quel est le lien avec les urgences?

Une autre étude s'est intéressée à la greffe de cellules engainantes olfactives (population gliale de l'épithélium nasal) chez des rongeurs présentant une lésion médullaire en phase aiguë ou chronique. Des effets bénéfiques sur la croissance axonale, la myélinisation, la locomotion, la respiration, la sensibilité des membres et la fonction urinaire ont été dévoilé dans leurs résultats.

De la même manière, ils ont pu réaliser une transplantation autologue de ces mêmes cellules mais dans la moelle épinière de 3 patients paraplégiques. Un progrès au niveau de la sensibilité sur trois segments a été observé chez un des patients. Cependant, ces greffes ont eu lieu plus de 6 mois après le traumatisme (pour exclure une récupération spontanée).

En parallèle, d'autres études ont montré que la thérapie cellulaire par greffe de cellules n'était efficace qu'en phase aiguë ou subaigüe. Il serait donc bénéfique de démarrer le traitement dès que possible.

Les bénéfices apportés seraient d'autant plus grands que la greffe est réalisée précocement. C'est pourquoi une étude de L'Université du Texas (Health Science Center at Houston) s'est penchée sur l'utilisation de la thérapie cellulaire après un traumatisme cérébral chez les enfants. L'article est paru le 5 juin dans Pediatric Critical Care Medicine et montre que cette prise en charge peut réduire le recours à des interventions thérapeutiques ainsi que le temps passé en soins neurologiques intensifs. Les enfants ayant subi un traumatisme crânien traités à l'hôpital Memorial Hermann de 2000 à 2008 ont été divisés en 2 groupes. Certains ont reçu des cellules souches de moelle osseuse autologues et d'autres non.

Les chercheurs ont utilisé l'échelle PILOT (pediatric intensity level of therapy) qui détermine tous les efforts thérapeutiques menés pour contrôler et donc abaisser la pression intracrânienne en dessous de la zone de danger. Chez ceux ayant reçu les cellules souches, les chercheurs ont noté une réduction significative du score commençant 24h après le traitement. Ceux qui n'ont pas reçu les cellules souches ont passé presque deux fois plus de temps en soins neurologiques intensifs (15,6 jours contre 8,2). L'étude a montré que grâce aux cellules souches moins d'interventions sont nécessaires et dans un laps de temps plus court, donc plus supportable pour le patient.


Aucune solution miracle n’a encore été trouvée, mais ces nouvelles méthodes pourraient déjà prévenir partiellement les conséquences neurologiques causées par les traumatismes crâniens et ceux de la moelle épinière améliorant ainsi la récupération des fonctions cérébrales ou spinales.

Selon le type de cellules souches utilisé et leur mode d'implantation dans l'organisme, l'objectif de ces diverses stratégies est de court-circuiter la lésion afin de permettre aux axones de se régénérer, de remplacer la myéline détruite et d'empêcher l'aggravation des lésions après la blessure.

Les séquelles des traumatismes médullaires ou cérébraux peuvent compromettre dans un premier temps le pronostic vital et dans un second temps la réinsertion sociale et notamment scolaire pour les enfants. Le suivi de ces patients devra de toute manière être complète avec un soutien psychologique mais si les lésions anatomo-fonctionnelles sont précocement évaluées et prises en charge il est possible d'en diminuer le retentissement.