Quand le poppers ne fait plus rire …

Les dérivés de nitrite, couramment appelés “poppers” à cause du petit « pop » que l'on entend en ouvrant un flacon de cette substance volatile, ont fait l'objet de recommandations par l'ANSM en octobre 2014.

Alors qu’à leur début leur utilisation se limitait au domaine médical, ils ont été de part leurs effets rapidement détournés. Les milieux homosexuels se le sont tout d’abord approprié puis les jeunes. Cela s'explique par sa facilité de consommation (inhalation nasale), la possibilité de le faire collectivement et son prix abordable entre 8 et 15€ la fiole. Après avoir été interdits, les poppers sont depuis 2013 de nouveau légaux : leur usage et leur commercialisation sont autorisés. Entre 1999 et 2009 en France, les centres antipoison ont recensé 794 cas liés aux poppers, dans 133 cas les conséquences ont été graves, allant jusqu'au coma dans 29 cas et au décès dans 5 cas. En 2010 5,3% de la population entre 18-64 ans ont déclaré en avoir déjà consommé, ils n'étaient que 3,9% en 2005. En 2011, 7,2% des 15-16 ans déclaraient en avoir consommé au cours des 30 derniers jours ! Il s'agit donc d'un nouveau mode de consommation en augmentation chez une population jeune dans un but collectif et récréatif.

Le poppers engendre des risques primaires directement liés à ses effets quasi-immédiats (moins de 30 secondes) sur l'organisme. Ces derniers, dûs à la libération de monoxyde d'azote, ne durent que quelques minutes. L'utilisateur ressent des brèves bouffées vertigineuses, une tachycardie, une sensation de chaleur interne, un relâchement musculaire et une exacerbation de sa sensualité. Des plaques érythémateuses, des vertiges accompagnés de maux de tête parfois violents et une augmentation forte de la tension intraoculaire peuvent aussi être provoqués. Ces effets psychiques peuvent dériver vers une anxiété, des épisodes dépressifs voire un suicide, des troubles cognitifs (apprentissage, attention) ou des TOC.

Si l'inhalation est importante elle peut provoquer une dépression respiratoire voire un malaise, de violentes céphalées, une altération de l'acuité visuelle (réversible) et endommager les cloisons nasales. Des troubles sanguins peuvent aussi être présents notamment une hémolyse aiguë provoquant une insuffisance rénale aiguë et une acidose métabolique. Cette insuffisance peut devenir chronique en cas d'utilisation continue. En cas de consommation régulière des anémies graves, des troubles de l'érection, des érythèmes et/ou tuméfactions du visage ainsi que des croûtes au niveau des muqueuses nasales et labiales par brûlures appelées « poppers dermatitis » peuvent se manifester. Dans de rares cas de surdosage, des décès ont déjà été constatés à cause d'une hypoxie tissulaire pouvant entraîner une dyspnée, une douleur angineuse, des convulsions et parfois même un coma.

Il engendre aussi des risques secondaires consécutifs à l'euphorie et à la desinhibition déclenchés. Il est notamment utilisé au cours des rapports sexuels car il augmente la durée de l'érection, amplifie la sensation d'orgasme et retarde l'éjaculation. Mais la sensation de bien-être qu'il procure fait souvent oublier de prendre des précautions et favorise les comportements sexuels à risque.
Il faut aussi noter que les poppers sont souvent ingérés avec d'autres substances (alcool, drogues psychoactives...) ce qui accroît d'autant plus les risques. Notamment si l'utilisateur fait un malaise et tombe, les lésions engendrées par la chute peuvent avoir de lourdes connaissances. Heureusement le poppers n'entraîne ni dépendance physique ni syndrome de sevrage en cas d'arrêt. Cependant une dépendance psychique liée à la sexualité peut apparaître : l'impression de ne plus pouvoir avoir de rapports sexuels sans ce « dopant ». Il faut être prudent avec ce genre d'utilisateur cherchant à augmenter leurs performances sexuelles indéfiniment car la prise conjuguée de Viagra et de poppers peut être fatale par arrêt cardiaque.

Le poppers est une substance très inflammable à manier avec précaution car il peut facilement causer des brûlures. En raison de sa volatilité, il est difficile d'évaluer la relation dose-effet et il ne fait pas l'objet de dépistage.

L'ANSM rappelle aux praticiens que le signalement des effets néfastes du poppers sont souvent méconnus et donc sous-signalés. La procédure à suivre en cas d'abus ou de dépendance détectée est la notification au CEIP (centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance). Si une intoxication est mise en évidence le signalement s'effectue auprès du CAPTV (centre antipoison et de toxovigilance). Même si les dangers semblent faibles comparés à d'autres drogues, il touche un public large et jeune et ses effets sont réels.