PRAGUE 13: faut-il revasculariser complètement les coronaires sténosées d'un patient dans les suites d'un IDM?

Une nouvelle étude remet en question l'intérêt d'une revascularisation complète des coronaires sténosées après un infarctus du myocarde (IDM)

Actuellement, les patients atteints de STEMI (ST Segment elevation myocardial infarction) sont traités par angioplastie coronaire ou ICP (intervention coronarienne percutanée) sur l'artère impliquée dans la pathologie.

L'objectif de PRAGUE 13, menée par le Dr Hlinomaz, est de déterminer la meilleure prise en charge de ces patients, qui ont au moins une autre sténose significative d'une artère coronaire (≥70%) non responsable de l'infarctus. D'autres études, PRAMI et CvLPRIT, avaient obtenu des résultats très en faveur de la revascularisation complète de toutes les lésions perçues en angiographie. En effet, une baisse des évènements majeurs, de 65% et 55% respectivement, avait été observée (ce qui avait entrainé l'arrêt de PRAMI), tandis que PRAGUE 13 remet tout en question sans trouver un seul avantage de l'une ou l'autre des prises en charge...

Comment s'est déroulée l'étude?
Les patients inclus dans PRAGUE 13 étaient à faible risque: fraction d'éjection ventriculaire gauche à la sortie de l'hôpital de 48%, délai entre les symptômes et l'ICP de 229 minutes en moyenne, seulement 6,1% des patients avaient une sténose ≥95% d'une coronaire non impliquée dans le STEMI, la moyenne du pourcentage de sténose de ces coronaires „non coupables“ étant de 80%. Les critères d'exclusion étaient une sténose ≥ 50% de l'artère coronaire gauche, une maladie valvulaire hémodynamiquement significative, un choc cardiogénique durant le STEMI, une instabilité hémodyamique ou une angine de poitrine de grade supérieur à 2 Canadian Cardiovascular Society grading of angina pectoris dans le mois précédant le STEMI.
Les patients ont été randomisés en 2 groupes d'environ 210 personnes chacun 48h après l'apparition des symptômes, suite à une angioplastie primaire réussie et après qu'une équipe de cardiologues interventionnels ait reconnu qu'une prise en charge dans l'un ou l'autre des groupes était possible.

Le premier groupe a bénéficié d'une revascularisation complète de toutes les artères coronaires significativement sténosées à l'angiographie mais non responsables de l'infarctus. Les interventions ont eu lieu entre le 3ème et le 40ème jour après l'ICP primaire. En moyenne, deux stents ont été implantés chez ces patients.
L'autre groupe a été traité selon les recommandations standards, c'est-à-dire une prise en charge conservative uniquement après l'ICP de la lésion responsable.
L'étude a eu lieu de 2009 à 2013 et la médiane de durée de suivi des patients était de 38 mois.

Les résultats de l'étude ne montrent aucune différence (et même aucune tendance) favorisant l'ICP multi-vaisseaux par rapport à l'ICP primaire de l'(unique) artère responsable du STEMI.
Le critère primaire (mortalité toutes causes + IDM non fatals + AVC) a eu lieu chez 17 patients ayant bénéficié d'une revascularisation élargie contre 15 chez les patients avec la méthode conventionnelle aboutissant un rapport de risque non significatif. En prenant isolément les composantes du critère primaire ou en étudiant les critères secondaires (hospitalisation pour angor instable, cross over entre groupes, revascularisation d'une artère non coupable, mortalité cardiovasculaire, hospitalisation pour insuffisance cardiaque) aucune différence n'a été démontrée non plus.

Mais alors qui croire?
Les études PRAMI et CvLPRIT avaient été critiquées pour leur faiblesse méthodologique. Dans PRAMI toutes les revascularisations complètes avaient eu lieu au moment de l'ICP et dans CvLPRIT 60% des lésions non coupables avaient été traitées au cours de la phase aiguë. D'après le Dr Hlinomaz, il était donc "presque impossible de détecter les IDM peri-procéduraux"
D'autres études plus vastes sont par conséquent nécessaires pour clarifier la stratégie de revascularisation à utiliser chez les patients présentant un STEMI et une atteinte de plusieurs autres vaisseaux.
En attendant, cette incertitude a conduit à la variabilité des pratiques. Malgré les recommandations officielles certains cardiologues réalisent ces angioplasties multiples préventives dans l'immédiat, tandis que d'autres attendent la récupération de l'infarctus aigu. Il persiste donc de nombreuses questions sur les critères de réalisation d'une revascularisation complète et les délais à respecter.
Pour l'instant, les cardiologues ne peuvent s'appuyer que sur leur expérience pour choisir la nature de l'intervention au vu de ces résultats contradictoires.

Sources : http://www.tctmd.com/show.aspx?id=128904