Maltraitance infantile : recommandations aux soignants.

Entre 2013 et 2014 la maltraitance infantile a augmenté de 43%. Des chiffres inquiétants, qui nous rappellent à quel point la prévention est nécessaire pour protèger la vie des enfants victimes de violences. La maltraitance infantile commence dès que les droits et les besoins fondamentaux des enfants (santé, sécurité, moralité, éducation, développement physique, affectif, intellectuel et social) ne sont pas respectés. Cette notion est englobée plus généralement, depuis une réforme de 2007, dans celle de « danger ».

L'observatoire national de la délinquance et des réponses pénales signale des changements dans les méthodes d'enregistrement par la police ce qui aurait pu influencer cette augmentation. Néanmoins ces chiffres alarmants ont conduit la Haute Autorité de Santé (HAS) à publier un article consacré à la maltraitance. Actuellement en France on sait qu'environ 100 000 enfants sont en danger (cela représente 10% de plus qu'il y a 10 ans) et que 80% des mauvais traitements infligés le sont au sein de la famille. Dans le monde, un quart des adultes déclare avoir subi des violences physiques dans leur enfance. Ces conduites engendrent chaque année le décès de plus de 41 000 enfants de moins de 15 ans par homicides, sans compter ceux dont le décès est faussement attribué à une chute, des brûlures ou une noyade...

Que faire lorsque l'on suspecte une maltraitance ?

D'après les recommandations de la HAS, il faut tout d'abord effectuer un examen clinique complet du jeune patient dévêtu. Les paramètres de croissance, l'évolution du développement psychomoteur et les capacités de l'enfant sont à évaluer. Il faut ensuite rechercher des traces de violences sur le corps (examen cutané, examens des muqueuses) mais également des éventuelles fractures, hémorragies ou lésions d'organes pleins par une palpation généralisée. Les ecchymoses et les brûlures sont à analyser minutieusement : se trouvent-elles sur des zones habituellement non exposées ? Ont-elles la forme d'un objet précis ? Sont-elles multiples et d'âges différents ? L'association de plusieurs types de lésions est généralement en faveur d'une maltraitance.

Il faut pendant toute la consultation être attentif à l'attitude du patient et de l'entourage qui peut être révélatrice d'une maltraitance. Pour l'enfant, on remarquera notamment un comportement craintif, de repliement sur lui-même, d'opposition ou au contraire de recherche d'affection sans discernement, l'existence de trouble du sommeil, de l'alimentation ou une imprévisibilité . Quant à l'entourage il faut se méfier des comportements intrusifs durant la consultation ou à l'inverse d'une grande indifférence, d'une proximité corporelle anormale avec l'enfant ou du refus des vaccinations obligatoires ou des conseils alimentaires malgré des carences chez l'enfant. On peut aussi observer des accompagnants qui banalisent ou contestent les propos de l'enfant et le dénigrent ou l'accusent, qui sont sur la défensive parfois agressifs envers les professionnels, qui refusent la poursuite des investigations ou recourent abusivement des soins.

Par la suite le médecin devra s'entretenir avec l'entourage du patient pour recueillir les antécédents médicaux personnels et familiaux et les événements qui ont pu affecter l'enfant et ses rapports avec son entourage. Il faut toujours garder à l'esprit que les accompagnants peuvent être acteurs ou témoins de la maltraitance.
Si possible, le praticien doit s'entretenir avec l'enfant seul (enfant suffisamment âgé et ayant donné son accord). L'interrogatoire ne doit pas être directif, pour laisser place à une expression libre et il faut montrer de l'intérêt. Le but est de trouver l'origine des lésions observées.

Si l'on suspecte des fractures, un examen radiologique peut être effectué : certains signes sont typiques de la maltraitance. Chez le nourrisson, des fractures costales (arcs moyens et postérieurs) feront suspecter qu'il a été serré très fort ou secoué, des fractures des extrémités sont aussi anormales si elles évoquent une torsion. A tout âge, il faut redouter les fractures métaphysaires suggestives de tractions ou de torsion, les fractures complexes crâniennes, les décollements épiphysaires ou diaphysaires des os longs ainsi que des réactions périostées.

« Signaler n'est pas juger, c'est un acte médical »

Quoi qu'il arrive le médecin doit protéger l'enfant même si cela doit passer par une hospitalisation immédiate (risque médical important, nourrisson ou mise à l'abri nécessaire). Le médecin peut aussi rédiger un certificat médical initial en y relatant toutes ses observations. S'il s'agit d'une urgence, le SAMU est contacté et transfère l'enfant à l'hôpital. En cas de danger important il faut en informer le procureur de la République par téléphone puis par fax et/ou courrier en gardant une copie. Le médecin qui adresse l'enfant ou l'hôpital peut effectuer le signalement après concertation. En dehors des situations d'urgence, les décisions concernant l'enfant doivent être collégiales (collaboration avec le médecin scolaire ou de PMI). Le cas doit être signalé à la Cellule départementale de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes (Crip) par téléphone et par fax et/ou courrier. La Crip peut aussi conseiller les professionnels.

Comment prévenir la maltraitance ?

Pour éviter les violences sur les enfants, l'approche doit être pluridisciplinaire et commencer avant même l'arrivée de l'enfant dans la famille. Il faut être prudent avec les situations à risques décelables au cours de l'entretien prénatal précoce (vulnérabilité somatiques, sociales, psychoaffectives...) et orienter les familles vers des structures de soutien.

L'entourage doit être préparé à accueillir le nouveau-né, cela peut entre autres passer par des visites d'infirmières à domicile pour fournir des conseils et un soutien. Il existe aussi des programmes de formation parentale souvent en groupe ce qui permet de partager son expérience et ses difficultés. Des formations à l'hôpital sont aussi enseignées aux jeunes parents avant qu'ils repartent chez eux avec leur nourrisson sur la conduite à tenir devant un bébé qui pleure sans pouvoir le calmer l'objectif étant la réduction des traumatismes crâniens imputables à de mauvais traitements (ou « syndrome du bébé secoué »). Les enfants peuvent eux aussi participer à des programmes d'éducation (en milieu scolaire) pour prévenir les violences sexuelles en leur inculquant comment reconnaître les situations de contacts physiques inappropriés, de violences. Ils doivent prendre conscience qu'ils sont maîtres de leur corps et qu'ils ont le droit de refuser ce qu'un adulte leur demande.

Suite à la réforme de 2007 qui concernait la maltraitance, les discussions devraient reprendre cette année. Il serait question de créer un Conseil national de la protection de l'enfance afin d'améliorer le repérage des enfants en danger. Dans chaque département il pourrait y avoir un médecin référant faisant le lien entre les services départementaux et les différents professionnels de santé. La maltraitance reste un problème de santé publique majeur. Il plane encore un grand tabou autour de ce sujet car il est délicat de prendre en charge un mineur lorsque ses tuteurs sont responsables de son mauvais état de santé. La HAS encourage les médecins à signaler et rappelle qu'il existe une levée du secret médical protégeant les praticiens qui ont détecté un cas de maltraitance.