L'ostéoporose gravidique, maladie de la femme enceinte méconnue.

Ce cas particulier de maladie osseuse est rare et sûrement sous-estimé, c'est pourquoi il est très difficile d'obtenir des données statistiques. Habituellement cette ostéoporose se manifeste au cours du troisième trimestre de grossesse, voire en post-partum et en majorité lors des premières grossesses (environ 70% des cas) . Les symptômes sont des douleurs osseuses rachidiennes (présentes dans 80% des cas) et plus rarement de la hanche. Des fractures peuvent survenir dans des circonstances anormales (petite chute, léger coup dans un meuble...), ce qui doit faire suspecter la maladie.

Le diagnostic repose sur la mesure de la densité minérale osseuse (DMO) par DEXA (dual energy X-Ray absortiometry). Comme ce test manque de précision, on détermine un « Z-Score » qui est la comparaison de la DMO de la patiente à la DMO de femmes du même âge. Ainsi l'ostéoporose se définit par la variation en écart-type du patient par rapport à la moyenne d'une population. En post-partum , les radiographies montrent souvent des vertèbres biconcaves et des déminéralisations ou des fractures au niveau de l'os coxal et des os périphériques. Avant l'accouchement et à partir du deuxième trimestre, un IRM sans produit de contraste peut être effectué pour évaluer les lésions.

Quel est le mécanisme de cette maladie ?
La minéralisation du squelette fœtal nécessite environ 30 grammes de calcium, normalement cette quantité est fournie naturellement sous nos climats et avec notre alimentation. De plus, au cours d'une grossesse et d'un allaitement il est courant qu'on supplémente la patiente en calcium et en vitamine D pour éviter une décalcification osseuse. Des variations physiologiques de la DMO ont été observées au cours des grossesses et des allaitements (d'autant plus quand ils sont prolongés) mais elles sont sans conséquence lorsque la DMO « de base » était normale. Il faut donc déterminer si la patiente présentait une ostéopénie ou une ostéoporose légère préexistante et révélée par la grossesse ou l'allaitement.

Comment suit-on ces patientes ?
On effectue un bilan biologique phospho-calcique, un dosage des hormones calciotropes (parathormone et vitamine D), des marqueurs du remodelage osseux et des hormones thyroïdiennes (calcitonine). La DMO est mesurée par absorptiométrie mais avec précaution car c’est irradiant (environ 10% de l'irradiation d'une radiographie thoracique).

A quoi est du ce dérèglement osseux ?
La prise médicamenteuse peut être responsable notamment les corticoïdes, les antiépileptiques (phénytoïne) ou les héparines non fractionnées. On préférera donc l'utilisation d'héparines de bas poids moléculaire dans le cadre d’une prophylaxie thromboembolique. Dans différentes études, plusieurs hypothèses explicatives sont évoquées : un effet PTH-like, une chélation des ions calciques ou bien un effet modulateur direct sur les ostéoclastes et les ostéoblastes.

Il peut y avoir une hyperparathyroïdie primitive et dans 80% des cas il s'agit d'un adénome parathyroïdien. Les hormones thyroïdiennes augmentent le remodelage osseux et la balance formation/dégradation devient négative. On note souvent une diminution de la DMO de 10 à 20% par rapport à des sujets de même âge et de même sexe chez les sujets hyperthyroïdiens.

Le PTHrp (parathyroïd hormone-related peptide) semble avoir un rôle dans cette pathologie, il est hypersecrété en fin de grossesse et pendant l'allaitement. Les tissus qui le produisent seraient entre autres le placenta, la glande mammaire et les parathyroïdes fœtales. Néanmoins il faut éliminer une sécrétion tumorale. La parathormone favorise l'ostéolyse : elle est donc hypercalcémiante. Ce peptide imite son action on observe alors en réaction une hypercalcémie, une diminution de la PTH sanguine et des fractures. Il a aussi une action myorelaxante importante au moment de l'accouchement, il régule le transport calcique transplacentaire, il enrichit en calcium le lait maternel (sa concentration augmente avec la succion).

Le plus souvent aucune étiologie n'est identifiée, on évoque alors des facteurs ou des mutations génétiques (dans COL 1A1 par exemple). Cela va aussi dans le sens d'une hérédité de cette dysfonction : les mères de ces patientes seraient plus sujettes à l'ostéoporose post-ménopausique par exemple. On recherche aussi des facteurs aggravants plus ou moins faciles à prendre en charge comme une hyperlordose, une prise de poids excessive, un tabagisme, une intoxication oenolique ou des carences (en calcium et en vitamine D).

Comment y remédier ?
Le traitement des fractures est la plupart du temps orthopédique, le soulagement de la douleur durant la grossesse consiste en la prise de paracétamol, seul antalgique autorisé. Si les structures osseuses sont trop fragiles rendant un accouchement par voie basse trop risqué, on privilégiera une césarienne. Le bébé sera pris en charge spécifiquement à sa naissance pour contrôler son bilan phosphocalcique. L'allaitement est déconseillé. On peut administrer à la patiente en post-partum de la calcitonine (hormone hypocalcémiante inhibant les ostéoclastes) et des biphosphonates (étidronate, alendronate) qui inhibent la résorption osseuse.