Les immunosuppresseurs topiques, des médicaments peu connus dans le traitement local de la dermatite atopique

L’eczéma atopique (dermatite atopique) est un problème émergent en matière de santé publique, elle est la dermatose la plus fréquente chez les enfants : 20 % des enfants de moins de 7 ans en sont concernés dans les pays industrialisés. Il s’agit d’une maladie multifactorielle liée à une altération de la barrière épidermique, qui assèche la peau et la rend très sensible à toutes sortes d’agressions, et en même temps à une tendance aux sensibilisations aux allergènes à IgE. Cette affection chronique qui survient par poussées est hautement corrélée au stress. À l’heure actuelle, le traitement recommandé est l’hydratation quotidienne de la peau et parfois l’usage quotidien de crèmes aux corticostéroïdes (dermocorticoïdes) comme l’hydrocortisone locale à 1%. Pendant les crises, les dermocorticoïdes sont appliqués sur les zones inflammatoires et prurigineuses de façon plus intense, afin de calmer rapidement l’inflammation et diminuer les lésions. Dans les formes plus graves, on peut également avoir recours à l’UV-thérapie (UVB, PUVA).

Depuis leur autorisation de mise sur le marché les dermocorticoïdes sont le pilier du traitement de la dermatite atopique, cependant, on considère depuis quelques années l’utilisation d’inhibiteurs de calcineurine, immunomodulateurs topiques comme alternative aux dermocorticoïdes. Ces derniers permettraient en effet d’éviter les effets indésirables des corticoïdes, tels que l’ « effet rebond » et l’accoutumance (tachyphylaxie), bien que ceux-ci soient plutôt rares lorsqu’ils sont appliqués à dose modérée. Contrairement aux dermocorticoïdes, ils ne provoquent pas d’atrophie de la peau et ne laissent pas non plus d’érythème sur le visage après utilisation à long terme par exemple.

Les inhibiteurs de calcineurine sont dits « immunomodulateurs topiques », car ils inhibent directement le système immunitaire : ils agissent en empêchant l’activation des lymphocytes T par la voie des calcineurines en inhibant la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires et en prévenant une cascade de signaux immunitaires et pro-inflammatoires. A l’heure actuelle, 2 préparations peuvent être administrées : le pimécrolimus (Elidel®, crème) et le tacrolimus (Protopic®, pommade). Leurs structures chimiques et mécanismes d’action sont similaires. Cependant, ils ne montrent pas la même efficacité : le pimécrolimus semble aussi efficace que les dermocorticoïdes peu puissants (hydrocortisone), mais moins que les dermocorticoïdes puissants, tandis que le tacrolimus semble aussi efficace que les dermocorticoïdes puissants (bétaméthasone, sous forme de valérate).

Ces traitements sont considérés comme « médicaments d’exception » et en France exclusivement prescrits en 2ème intention par les pédiatres et les dermatologues, en cas de réponse inadéquate au traitement aux corticostéroïdes, chez les enfants de plus de 2 ans et les adultes. Ils sont en effet utilisés avec précaution en regard de leurs effets indésirables éventuels. Mis à par leur photosensibilisation, les brûlures, rougeurs et éventuelles démangeaisons qu’ils provoquent dans un premier temps, ils peuvent avoir en théorie un effet cancérigène. Les nombreux essais cliniques avant sa mise sur le marché n’ont pas montré de risque plus élevé de développer un cancer de la peau, mais les autorités préfèrent rester prudentes quant à leur prescription.

Toutefois, en Allemagne, il existe déjà des indications de première ligne pour ces immunomodulateurs topiques, quant il s’agit de traiter au quotidien (et non en période de crise où les corticostéroïdes restent de 1er recours) les plaques d’eczéma sur le visage, le cou, et dans les plis, là où la peau est plus fine et où les dermocorticoïdes peuvent avoir plus d’effets indésirables. Il s’agit donc d’une classe de médicaments qui représente une première alternative aux dermocorticoïdes dans le cadre du traitement de la dermatite atopique. Il convient de la surveiller par un système de pharmacovigilance, mais elle se révèle pour l’instant très prometteuse !