Les déserts médicaux : le point de vue du Dr. Duquesnel, Président de l’UNOF-CSMF

Le Généraliste a publié en février dernier un article intitulé ” “Pacte territoire santé” : tous critiques… sauf la CSMF !”, dans lequel la confédération est présentée comme étant la seule à applaudir des deux mains les mesures mises en place par le Pacte. Dr. Rua nous a pourtant annoncé que les syndicats étaient “majoritairement contre” et précisant que seul MG France soutenait cette réforme de l’offre de soins. Étant donné cette contradiction nous aimerions connaître votre position réelle sur ces réformes.

Je crois qu’il ne faut pas appeler le pacte territoire santé une réforme. C’est une mesure. Nous on est pour, car le but est bien évidemment de favoriser l’installation de jeunes médecins dans des zones qui souffrent d’une pénurie de médecins. Nous considérons que c’est aussi l’appréhension qu’ont les jeunes médecins à venir s’installer en libéral qui est un frein à l’installation. Donc pour nous, le pacte territoire santé montre des avancées. Une garantie de ressource est proposée pendant un certain temps pour ces jeunes médecins, c’est l’assurance d’avoir des premiers mois d’installation qui sont faciles. Et puis une autre avancée qui est pour nous essentielle dans le pacte c’est que, pour la première fois pour l’exercice libéral, ce sont des mesures d’ordre social avec entre-autre des garanties en cas de congés de maternité pour les femmes. Il faut savoir que ça a souvent été identifié comme un frein pour les jeunes médecins le fait que la couverture et les prestations sociales étaient vraiment différentes entre l’exercice salarié et l’exercice libéral. La féminisation de la profession rend ces différences encore plus criantes. Cette mesure relative au congé maternité est en mesure de favoriser l’installation de jeunes femmes en libéral. Cela fait maintenant partie des revendications de l’UNOF-CSMF ; on aimerait que ces mesures soient étendues à la totalité des médecins libéraux.

Vous êtes le syndicat des Médecins de Famille de la Confédération des Syndicats Médicaux Français (C.S.M.F.) cela implique-t-il que l’UNOF et la CSMF partagent toujours le même point de vue sur les réformes de santé en France ?

Il y a plusieurs exemples récents qui montrent que l’on cohabite de façon harmonieuse. Depuis 3 ou 4 ans par exemple, toutes les décisions prises en faveur de la démographie médicale écartent systématiquement les médecins dits de second recours, c’est à dire les médecins libéraux autres que les généralistes, et ce qu’elles soient prises dans le cadre de la convention nationale des médecins ou localement par les ARS. Or pour nous, branche généraliste de la CSMF, il faut prendre en compte l’intégralité de la médecine libérale. On plaide pour que dans les regroupements de professionnels, dans les maisons de santé pluridisciplinaire ce ne soit pas comme ça l’est dans la mouture 2014 des nouveaux modes de rémunération ; pénalisant le fait d’avoir des spécialistes de 2ème recours dans nos regroupements. Alors pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui on sait très bien que l’enjeu en terme d’exercice coordonné, ce sont les pathologies chroniques, ce sont ces 10% de patients qui sont responsables de 70% des augmentations de dépenses de santé. Il faudrait que le médecin généraliste soit aidé des autres professionnels de santé, infirmiers, kinés ou pharmaciens mais aussi des autres spécialistes dans les prises en charge. Je ne peux pas, par exemple, traiter des cas compliqués de polyarthrite rhumatoïde sans le rhumatologue, de BPCO sans le pneumologue, de diabétiques sans l’endocrinologue. C’est selon moi très enrichissant de ne pas être dans un syndicat monocategoriel avec juste de médecins généralistes.
On l’a vu dernièrement avec les pédiatres. Un syndicat revendiquait le médecin traitant pour les enfants, les médecins généralistes de la CSMF, de l’UNOF-CSMF sont aussi tout à fait favorables, car nous voudrions donner un sens à ce parcours et à ces prises en charge. Or le constat aujourd’hui, c’est que les échanges entre les pédiatres et les médecins généralistes sont loin de se passer dans des conditions optimales. Et bien je dirais qu’on est sortis par le haut de ça à la CSMF; parce que nous avons fait tout un travail entre les médecins généralistes et les pédiatres et on a fait le constat qu’aujourd’hui en terme de prévention il n’y a rien de fait au niveau national pour la prévention de l’enfant et de l’adolescent. On a posé la question aux pédiatres et généralistes de la CSMF et on est tout à fait d’accord pour qu’il y ait un médecin traitant de l’enfant, qui pourra être soit un généraliste soit un spécialiste mais dans le cadre d’une véritable politique de santé publique de l’enfant de moins de 16 ans avec en plus de cela un parcours de santé qui soit pas pénalisant pour les assurés sociaux, c’est à dire entre autre, pour les parents.

Donc voilà, c’est peut-être pour nous plus complexe qu’au départ, parce qu’on est confrontés à des problématiques auxquelles on ne serait pas confrontés si nous étions un syndicat pour les généralistes seuls, comme d’autres syndicats mais globalement je crois que l’on s’en sort toujours, dans l’intérêt des patients et de la population que l’on prend en charge.

Et en ce qui concerne les déserts, vous avez les mêmes positions ?

Totalement oui. Dans les départements comme c’est le cas chez moi en Mayenne, depuis dix ans, on a apporté des réponses aux problèmes de démographie médicale des médecins généralistes. La problématique aujourd’hui, c’est la démographie des autres spécialités médicales. Dans la zone rurale où j’exerce, j’ai un tiers du département, une population de 300 000 habitants, tout le Nord du département, on a plus d’ophtalmo, après cet été on aura plus avoir de pneumo. C’est un véritable problème, pour nous médecins généralistes, pour le suivi de nos patients atteints de pathologies chroniques.

Votre discours témoigne d’une crainte d’une étatisation du système de santé français, est-ce vraiment le sentiment que vous donnent toutes les réformes en marche ? Ne pensez-vous pas qu’une lutte contre la désertification passe nécessairement pas une gestion nationale du système de santé et donc par une intervention de l’État ?

Je crois que l’on exagère beaucoup les déserts médicaux, moi je n’en connais pas beaucoup en France. Il y a des déserts, tout simplement et quand il y a des déserts de tout ce sont aussi des déserts médicaux. Aujourd’hui on voit très bien que des réponses ont été apportées dans les régions et zones rurales où il y a 10/12 ans il y avait en effet des problèmes par rapport à la démographie des médecins généralistes. À partir du moment où il existe des dynamiques sur le territoire et tout le monde se remonte les manches, aussi bien les représentants des professionnels de santé, les URPS, l’État à travers les ARS et les conseils généraux, on voit qu’on peut apporter des réponses avec une réflexion territoriale. On va toujours trouver des élus qui vont parler de déserts médicaux, mais à quelle échelle ? Ils parlent de déserts médicaux, à l’échelle de leur commune. Je crois qu’aujourd’hui la commune n’est plus la bonne réflexion territoriale pour réfléchir à l’organisation de la réponse à la demande de soins. Si dans les années 80 on a des médecins qui sont allés de leur propre chef s’installer seul dans des petites communes dans des zones rurales, reculées, ce n’est pas parce qu’il y avait des besoins de santé, mais tout simplement parce que la démographie médicale était telle que pour pouvoir gagner leur vie, ils étaient obligés de s’installer dans des petites communes.
Il est vrai que la population et les élus ont l’habitude depuis 20-30 ans d’avoir un médecin dans leur commune et lorsqu’il n’y a brusquement plus de médecin dans la commune ça devient un désert. Mais en général on organise une réponse en termes d’organisation du soin à l’échelle de la communauté de communes. Alors il est vrai que les choses sont un peu différentes mais ces nouvelles organisations ont toutes les chances de devenir pérennes. Nous savons très bien que les jeunes médecins n’ont pas envie de travailler seul. Donc, mettre en place des réponses avec plusieurs médecins généralistes regroupés avec d’autres professionnels de santé répond d’une part au vœu des jeunes médecins généralistes et cela permet d’autre part de travailler de façon plus coordonnée. Par ailleurs, cela répond aux enjeux d’aujourd’hui et de demain en terme de prise en charge de la population atteinte de pathologies chroniques. Étant donné qu’il y a selon moi très peu de déserts, je ne vois pas aujourd’hui l’intérêt des ARS ; elles doivent certes être aidantes, il y a les fonds d’intervention régionaux dont elles peuvent se servir pour aider en cas de demande des professionnels de santé mais elles n’ont pas la vocation de tout organiser sur le terrain par le biais des Schémas Regionaux d’Organisation des Soins (SROS) et dire où un médecin est nécessaire et où il ne l’est pas. Nous sommes opposés à cela et c’est ce que l’on craint avec cette future loi de santé au travers de ce qui pourrait devenir un SROS ambulatoire opposable pour les médecins libéraux et tout particulièrement pour les médecins généralistes. La volonté c’est de diminuer au maximum le poids et le rôle protecteur des conventions signées entre l’assurance maladie et les médecins et de confier des missions beaucoup plus importantes aux ARS. Il suffit de voir ce qu’il se passe sur le terrain. Il y a de nombreuses disparités entre les 27 régions françaises, elles résultent des volontés différentes des ARS. Ces dernières s’impliquent différemment dans l’organisation de la médecine générale et on voit des régions où les relations se passent globalement bien car les ARS sont aidantes et d’autres où rien ne va. Du coup il existe des disparités énormes, y compris au niveau des rémunérations. On cite toujours l’exemple de la permanence des soins ambulatoires depuis qu’elle n’est plus conventionnelle. Il faut savoir qu’aujourd’hui d’un département à l’autre et d’une région à l’autre les rémunérations entre les médecins généralistes qui participent à la permanence des soins ambulatoires varient de 1 à 3. Pour nous c’est complètement inacceptable et c’est le risque de demain.

Pensez-vous que l’augmentation du numerus clausus et donc du nombre de médecins pourrait être une solution ?

Les chiffres qui sont donnés par l’Ordre national montrent qu’en 2012-2013 plus de 20% des médecins qui se sont inscrits à l’Ordre sont formés à l’étranger. Il s’agit de Français qui vont se former à l’étranger, il existe maintenant des facultés de médecine de langue française à l’étranger comme en Roumanie et de médecins étrangers, formés à l’étranger dans la zone euro. Ce n’est plus un problème de numerus clausus français, la réflexion sur la démographie médicale ne doit plus se faire au niveau français mais au niveau européen. Aujourd’hui, les jeunes qui vont se former à l’étranger sont pour beaucoup des recalés du concours de première année. Donc augmenter le numerus clausus n’est pas la bonne solution. Par contre il doit y avoir une réflexion européenne, parce que les coûts pour ces pays où les médecins sont formés sont très élevés. C’est le problème qui se pose en Belgique, des médecins ou professionnels de santé sont formés et finalement ils vont exercer ailleurs, cela a un coût en terme de formation. Ensuite cela peut déboucher sur des problèmes de démographie. Donc la réflexion doit être européenne et doit inclure les mesures qui existent dans chaque pays y compris le numerus clausus en France. Mais on ne peut plus avoir une réflexion uniquement française sur ce dossier.

Vous représentez exclusivement les médecins généralistes libéraux pensez-vous que les mesures mises en place par le ministère seront réellement efficaces et rendront l’activité libérale et généraliste plus attractive ?

Les études réalisées par l’Ordre dans les promotions d’étudiants le prouvent ; lorsqu’ils ont validé et écrit leur thèse, ils sont remplaçants la première année et les taux d’installation en libéral sont importants. Dans les sondages qui sont réalisés par le syndicat des internes en médecine générale (l’ISNAR-IMG) on remarque aussi cette volonté. Je crois que globalement les jeunes sont attirés par l’exercice libéral.
Après il est vrai qu’il y a une méconnaissance de ce type d’exercice et certaines communes se sont lancées dans des maisons médicales où les médecins sont salariés et très rapidement ces médecins ou du moins une bonne partie d’entre eux les quittent, parce que premièrement il s’agit de maisons est purement médicales, or on voit bien qu’à l’heure actuelle il faut aller au-delà du médecin : la réflexion doit être pluriprofessionnelle et en terme d’exercice coordonné. Ensuite quand cela se passe dans des municipalités, cela se fait au détriment de l’offre de soin qui existe déjà. Ce qui signifie qu’il n’y a aucune réflexion avec les professionnels existants et en général l’installation de ces maisons de santé avec des médecins salariés se passent mal par rapport à l’offre de soin et aux médecins qui sont déjà installés. Enfin, ce qu’oublient souvent de dire les élus à la population, c’est que ça va lui coûter de l’argent en termes d’imposition locale. Et pour éviter que cela coute trop cher des élus mettent la pression sur les médecins en leur disant le nombre d’actes à réaliser à l’heure et par jour pour que cela soit rentable. Le contenu des consultations de médecine générale est surtout intellectuel puisque les médecins généralistes font très peu d’actes techniques. Il est vrai que l’acte clinique en France est très peu valorisé et le nombre de consultations dites faciles diminue à cause du déremboursement de certains produits ; les patients vont directement voir les pharmaciens; pour des rhino-pharyngites par exemple on ne voit plus ces patients-là. En cabinet on fait de plus en plus de consultations dites complexes longues, elles devraient être rémunérées sur la base d’un C2, c’est à dire 46€ et puis la consultation devrait être revalorisée aussi. Cela est un peu un frein et ce n’est pas forcément un problème de revenus, c’est l’image que l’on porte aujourd’hui dans notre société françaises sur le travail accompli par les médecins généralistes.
Aujourd’hui la santé a un coût et avec les difficultés financières que connait le pays, le principal c’est d’essayer d’être performant. C’est à dire efficace et efficient. Depuis une douzaine d’années, les médecins libéraux et plus particulièrement les médecins généraux ont été beaucoup plus performants en terme de dépense de santé.

Dans un communiqué de presse publié le 6 juin sur son site la CSFM exige un soutien accru pour la médecine de ville avec le transfert vers la ville des parts de l’activité hospitalière qui peuvent l’être. Cette demande se fait dans le contexte de la commission des comptes de la sécurité sociale, mais ne pourrait-on pas considéré qu’une telle démarche rendrait aussi la médecine de ville plus attractive pour les jeunes diplômés et donc enrayer le désert ?

Les économistes de la santé le disent l’enjeu de demain c’est faire des économies à l’hôpital. Le problème, c’est qu’il n’est pas forcément politiquement correct de le faire parce que l’hôpital c’est souvent le plus gros employeur des villes où il est installé. Il y a dans les hôpitaux beaucoup de patients atteints de pathologies chroniques qui pourraient être pris en charge à domicile. La volonté du gouvernement, est que ces patients atteints de pathologies aiguës ou chroniques, puissent être chez eux et suivis dans le cadre d’un exercice coordonné. Nous ne voulons pas voir l’hôpital sortir de ses murs pour aller voir ses patients à domicile. Ce que l’on réclame, c’est avoir les moyens pour assurer ces nouvelles prises en charge. Or, on a aujourd’hui une négociation pluriprofessionnelle, la première, engagée justement pour favoriser cet exercice coordonné et les moyens mis sur la table par le gouvernement sont ridicules; l’une enveloppe de 18 millions d’Euros est insuffisante. Si l’on veut que certains patients ne soient plus pris en charge à l’hôpital mais à domicile sans pour autant en restreindre la prise en charge, il nous faut des moyens. Ces moyens dont l’hôpital n’aura plus besoin on doit pouvoir les donner aux professionnels de santé libéraux, si ce n’est pas le cas on n’atteindra pas l’objectif. Selon nous ce serait prendre un risque, que d’aller prendre en charge ces patients à domicile et donc de sortir de ses murs; ce n’est pas la vocation de l’hôpital. C’est le rôle des professionnels de santé libéraux d’assurer ces prises en charge.

Docteur Rua, Président du SML a déclaré avoir été mis devant le fait accompli plus que réellement consulté. Est-ce un sentiment que vous partagez ? Concernant le pacte territoire santé, non il n’y a pas eu spécialement de concertations entre le ministère et les représentants des syndicats de médecins libéraux. Et de manière générale, est-ce que vous pensez que la communication entre les syndicats des médecins et le gouvernement est satisfaisante ?

Je pense qu’on a un tournant aujourd’hui, d’abord parce qu’on a une loi de santé. Aujourd’hui bien sûr on va nous dire qu’il y a une concertation mais nous on a l’impression que tout est écrit avant. On a appris à se méfier de cette démocratie sanitaire qui donne l’impression à différents partenaires qu’ils sont acteurs de ce qu’il se passe. Les directions qui sont prises vont vers une véritable étatisation et modifient les modèles sur lesquels on fonctionnait jusque-là. La loi HPC avait limité le rôle de l’assurance maladie dans les départements et dans les régions, les URCAM ont même disparues. Nous avons le sentiment, que l’on veut réduire les rôles de l’assurance maladie au niveau national et donner de plus en plus de pouvoirs à l’État. Ces pouvoirs seraient ensuite mis dans les mains des ARS pour pouvoir les mettre en œuvre en région. Donc la possibilité pour les ARS de pouvoir directement contractualiser avec les professionnels qu’ils soient regroupés ou isolés. Et cela change radicalement le modèle dans lequel on est; aujourd’hui on a une convention nationale qui est protectrice pour les médecins, demain on va vider cette convention de son contenu et on aura des directeurs d’ARS qui en fonction des besoins, de leur bon-vouloir contractualiseront avec certains et pas avec d’autres.

Alors vous avez peur de l’arbitraire en fait ?

Tout à fait.

Vous allez d’ici quelques années intégrer une maison de santé pluridisciplinaire, projet auquel vous avez activement participé. Pourquoi avez-vous pris part à ce projet ? Voyez-vous en ces maisons un avenir pour la médecine libérale ? La contradiction avec le discours du Dr. Rua nous a particulièrement frappés. Ce soutien à un projet ministériel est-il révélateur d’une perception différente voire contradictoire de l’exercice libéral par les deux syndicats ?

Je suis en Mayenne, un département qui dans les années 2000 était parmi les derniers en terme de démographie médicale des médecins généralistes. En 2002 on a commencé à travailler sur l’amélioration des conditions d’exercices des médecins généralistes et sur la permanence des soins ambulatoires. On est passé de 33 à 8 secteurs, on a amélioré et mis en place une régulation libérale. Si on interroge l’ensemble des médecins généralistes de ce département ils vous diront tous que leur vie a radicalement changé, avec des gardes beaucoup moins pénibles et fréquentes et dont la rémunération s’est aussi nettement améliorée. Ensuite on a réfléchi en dehors des temps de la permanence des soins ambulatoires, si nous n’avions rien fait on aurait des problèmes pour satisfaire les demandes de soins de la population du département. Et donc on a proposé des modèles de réorganisation. Et très souvent d’ailleurs, en maison de santé pluridisciplinaire on est multisite de façon à maintenir un maillage du territoire. Le but, ce n’est pas de faire disparaître toutes les structures qui existent mais de mettre en place un exercice coordonné. Je le rappelle mais c’est une des organisations locales que l’on a mise en place. Nous sommes tout à fait favorable à l’exercice coordonné à l’échelle nationale mais il ne doit pas y avoir de modèle unique. C’est à dire, la maison de santé pluridisciplinaire sur le même site où tout le monde se met sous le même toit. Il s’agit de la volonté des professionnels et cela reste très clairement un exercice libéral. Après que cela soit en exercice monosite ou multisite peu importe, c’est aux professionnels de décider. On sait qu’en zone rurale, le terrain coute moins cher et cela peut être plus facile de se regrouper physiquement tout en gardant des cabinets satellites autour. Le fait de maintenir ce maillage, c’est un vœu de la population, des élus et des professionnels de santé. Ces dernier ne veulent pas forcément quitter leurs lieux d’exercice et les liens qui ont été mis en place avec la population.
Il y a encore bon nombre de médecins dans les zones rurales et urbaines qui exercent seuls mais ce type d’exercice n’a pas vocation à pérenniser, car ce n’est pas la vocation des jeunes. C’est aussi le principe de réalité, c’est se dire que si l’on a pas de principe et de nouvelles organisations à présenter aux jeunes, il ne faudra pas se plaindre non plus s’ils ne vont pas en libéral. Donc voilà, pas de modèle unique mais en tout cas aller vers des exercices coordonnés.

En février 2013, le Sénateur Hervé Maurey avait dans un rapport sur les déserts médicaux proposé que les jeunes diplômés qui souhaitaient s’installer en zone au nombre de médecins suffisant ne soient plus conventionné. Que pensez-vous de la proposition de telles mesures coercitives ? Ne risquent-elles pas, dans un avenir plus ou moins proche, de devenir inévitables ?

Depuis 10 ans on voit des élus qui veulent mettre en place des mesures coercitives, à l’UNOF-CSMF on a toujours été opposés à toutes formes de mesures coercitives. Il faut donner envie de s’installer. Il est rare qu’une seule mesure incitative suffise, il en faut générallement plusieurs, qui cumulaient sont vraiment attractives. C’est comme un puzzle avec des mesures conventionnelles, des mesures prises par les ARS, les engagements des conseils généraux … Dans certains départements où il n’y a pas de faculté de médecine des bourses sont proposés aux internes pour leurs éviter des surcoûts et donc les convaincre. Les médecins généralistes maitres de stage participent aussi à l’attractivité de la médecine générale d’une région. Donc vous voyez, c’est un ensemble de mesures incitatives et le jour où il y aura des mesures coercitives, il n’y aura plus de mesure incitative. D’autres pays l’ont testé avant, l’Allemagne, le Canada, cela ne marche pas, ils sont revenus à des mesures incitatives.

Si vous pouviez changer quelque chose au système de santé français, ce serait quoi ?

Ce qu’il ne fait pas changer, je pense, c’est le système des tarifs avec l’assurance maladie, je le dis parce que je pense le système français est à un moment charnière qui aura des effets très délétères. On voit ce sont des médecins généralistes libéraux qui pour des raisons financières sont en train de diminuer leur temps de secrétariat. On voit l’effet délétère que cela aura à moyen et long terme. Les secrétaires nous aident pour toutes les tâches administratives et aident tous ces patients qui vieillissent, elles les guident dans le parcours de soins, prennent leur RDV et être aujourd’hui obligés de diminuer ce temps de secrétariat pour des raisons financières ça va avoir un effet délétère sur l’exercice des médecins généralistes. Donc globalement s’il y a quelque chose à changer, pour les médecins généralistes et pour toutes les spécialistes cliniques, c’est une rémunération de l’acte qui tienne compte de son contenu, il n’est plus acceptable que les consultations d’une demi-heure soient payées 23€, c’est mépriser les médecins généralistes. Il faut une rémunération qui tienne compte du coût de notre pratique. Si on prend ça en compte, cela nous permettra de mettre en place des messageries sécurisées, de communiquer entre nous et au niveau des logiciels-métiers, de communiquer avec les établissements de soins, pouvoir communiquer avec le système médico-social. Les enjeux de demain, c’est passer du soin à la santé, nous sommes des acteurs de soin et nous avons bien compris qu’il fallait s’intéresser à la santé et travailler avec les autres acteurs : les établissements de soins et le secteur médico-social.