Le refus de transfusion par les Témoins de Jéhovah

Les témoins de Jéhovah refusent la transfusion pour atteinte aux libertés individuelles et n’hésitent pas à poursuivre en justice quiconque oserait leurs faire grimper l’hémoglobinémie pour les sortir d’affaire.

Entre les principes de respect de la vie et de refus de soins à suivre, que décider en situation d’urgence ? Comment l’anesthésiste-réanimateur doit-il agir ?S’attirer les foudres d’Hippocrate et du conseil de l’ordre ou celles des victimes ? Y-a-il des alternatives à la transfusion en urgence ? La transfusion est-elle strictement refusée ou cette organisation tolère t-elle des entorses au règlement ?

Les témoins de Jéhovah considèrent après lecture de la Bible le sang comme sacré. La consommation d’aliments en contenant est ainsi proscrite, de même que « toute utilisation thérapeutique, qu'il s'agisse de sang allogénique total, de plasma, de concentrés globulaires, plaquettaires ou leucocytaires (…), mais également toute collecte anticipée de leur sang pour une utilisation différée (…) ». En revanche, quelques entorses sont autorisées, à savoir qu’ils acceptent « la transfusion de sang autologue au cours de procédures telles que l'hémodilution ou la récupération per- ou postopératoire du sang », et qu’il incombe à chacun de s’autoriser ou non le recours aux produits de fractionnement du plasma.

La recherche creuse de son côté pour trouver des solutions alternatives à la transfusion de globules rouges dans le cadre de l’urgence, sans obtenir pour le moment de résultats probants d’après l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (actuelle Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé).

Le médecin quant à lui se trouve face à un dilemme encore irrésolu aujourd’hui: transfuser contre la volonté du patient ? et respecter non seulement les principes de son métier, protéger la santé et en dernier ressort la vie elle-même, mais aussi ceux du code pénal qui « puni [de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende] quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours ». Ou alors ne pas transfuser et respecter la décision du patient? Les droits des malades représente désormais une donnée à laquelle le médecin doit se soumettre sans quoi les victimes recourent facilement aux tribunaux.

Il ne saurait par ailleurs être reproché au médecin lorsque le malade peut exprimer sa volonté, d’avoir respecté son refus de soin menant irrémédiablement au décès du-dit patient (respect de la liberté fondamentale). En cas d’impossibilité de recueil de consentement du patient, l’ordonnance du 16 août 2002 offre un éclairage sur la question en stipulant que : « Avant de recourir à une transfusion dans les conditions indiquées [situation extrême mettant en jeu un pronostic vital], il incombe aux médecins du centre hospitalier universitaire […] d'une part de mettre tout en œuvre pour convaincre le(la) patient(e) d'accepter les soins indispensables, d'autre part de s'assurer qu'un tel acte soit proportionné et indispensable à la survie de l'intéressé(e). » De plus, tout doit avoir été en amont mis en œuvre pour éviter la transfusion puisqu’il n’existe pas d’alternative thérapeutique.

Sachant que la gynécologie-obstétrique compte un taux de mortalité des femmes témoins de Jéhovah accouchées 44 fois supérieur à la moyenne américaine. Les dangers pour les enfants qu’elles portent n’en sont pas moins importants. Quelles solutions apporter à cet imbroglio administratif et éthique ?