Débat autour des motifs d'autoconservation des ovocytes en France

La conservation des gamètes humains est actuellement au cœur d'un large débat mondial. La congélation des spermatozoïdes reste néanmoins assez banalisée alors qu'en ce qui concerne les ovocytes, c'est une autre histoire... Ils nécessitent un protocole plus complexe pour être recueillis et leur survie après décongélation n'est pas toujours très élevée. Mais depuis peu, un nouveau procédé : la vitrification, a permis une large amélioration de leur conservation par rapport à la méthode par congélation lente. Le rythme de refroidissement est ainsi passé de 0,3°C à 20 000°C par minute, ce qui permet d'éviter la formation de cristaux intracellulaires et de garantir une meilleure survie des ovocytes (90% au lieu de 70% auparavant).

Mais qui peut bénéficier de la conservation d'ovocytes en France? Les femmes qui suivent des traitements (souvent chimiothérapiques) gonadotoxiques, qui subissent une intervention chirurgicale risquant d'altérer leur fertilité, qui souhaitent effectuer un don ovocytaire, qui ont moins de 35 ans mais une réserve ovarienne prématurément basse, problème, qui ont un risque élevé de syndrome d'hyperstimulation ovarienne. Pour l'instant les motifs sont donc restreints à un cadre purement médical. Cependant, de plus en plus, la médecine se met au service des évolutions sociétales et, concernant les femmes, l'élévation de l'âge au moment de la première grossesse est indéniable. Il était de 28,1 ans en 2010, soit 4 ans de plus qu'en 1967. Pour leur carrière professionnelle ou à l'occasion d'un remariage tardif (phénomène démographique en hausse), les femmes tendent à retarder leur désir d'enfant, mais l'horloge biologique joue en leur défaveur. Il est clairement démontré qu'après 35 ans la fertilité féminine décroît rapidement et le risque de fausse­couche augmente (il est de 15-20% à 30 ans et de 40% à 40ans). On sait aussi que plus un couple est avancé dans l'âge plus il faudra de cycles menstruels non protégés pour aboutir à une grossesse, or les couples les plus âgés sont aussi souvent les plus pressés... Une femme cherchant à avoir un enfant vers 30 ans a 75% de chance d'y parvenir en 12 mois mais plus que 44% si elle commence à 40 ans, les risques de ne pas y parvenir du tout sont de 8% et 36% respectivement.

Doit­-on alors élargir les conditions d'accès à la conservation des ovocytes à toutes les Françaises qui le souhaitent pour des raisons non médicales de « convenance » ? Le collège national des gynécologues et obstétriciens français est favorable à l'autoconservation ovocytaire sociétale au nom de la loi bioéthique de 2011 qui l'autorise, de l'égalité homme­femme (car les hommes ont déjà accès à une autoconservation de convenance) mais aussi, car elle est avec le don ovocytaire, la seule méthode de traitement de l'infertilité réellement efficace après 40 ans. Actuellement la loi française autorise l'autoconservation des ovocytes uniquement aux femmes qui acceptent de faire don d'une partie de ceux­ci à d'autres femmes stériles. Le but est de remédier à la pénurie de dons de gamètes féminins mais cela ne s'apparenterait-­il pas à du « chantage » ?

Certaines Françaises ont déjà fait la démarche de conserver leurs ovocytes à l'étranger. Pour une durée de deux ans à la clinique Eugin de Barcelone par exemple les frais s'approchent des 2000€ (sans compter les traitements préalables). Se pose alors une autre question : comment et par qui serait financé tout le processus aboutissant à la conservation des ovocytes puis leur implantation ? Il ne s'agit pas vraiment d'une « maladie » donc pourquoi l'Assurance Maladie devrait­-elle y contribuer ? Devrait-­on faire payer les femmes puisque c'est un choix personnel ? Les employeurs pourraient aussi participer car les femmes maîtrisent ainsi mieux leurs grossesses et privilégient donc leur travail…

La discussion reste ouverte sur ce sujet difficile, qui met en confrontation l'égalité homme­/femme et les conséquences éthiques de la conservation des gamètes. Il ne faut pas oublier que si l'ovocyte congelé ne « vieillit » plus, la femme qui l'avait conçu prend tout de même de l'âge. La conservation des gamètes encouragerait­-elle les grossesses tardives, plus à risque? Dans tous les cas, cette décision doit être encadrée et suivie par des professionnels de santé : gynécologues mais aussi psychologues.