Choisir entre carrière et maternité: un dilemme féminin ?

L'annonce d'une grossesse à son employeur est souvent une source d'angoisse, car elle signifie que la future mère va devoir s'absenter c'est pourquoi la nouvelle n'est pas toujours bien acceptée. Cependant il existe un cadre juridique régissant les autorisations d'absence de la femme enceinte pour se rendre aux examens médicaux obligatoires et pour obtenir un congé maternité.

Est-­ce contre-­indiqué de travailler pendant une grossesse? Dans un premier temps, non. La grossesse n'est pas une maladie et pendant le premier trimestre l'activité professionnelle peut être poursuivie malgrè quelques symptômes un peu dérangeants. Pendant les deux trimestres suivants, les contractions peuvent s’intensifier en cas d'effort, il est donc nécessaire d'être prudente. Par ailleurs, certains emplois nécessitent de plus grandes précautions et le médecin du travail Il existe des cas particuliers d'emplois exigeant de plus grandes précautions. Les femmes enceintes doivent éviter ­:

- L’exposition à des agents toxiques pour la reproduction, mutagènes ou à des solvants (comme le benzène utilisé par les laborantines et les employées de pressing entre autres)
- Le port de charges lourdes (à partir de 5kg), les efforts physiques répétés et les travaux avec des engins actionnés par de l'air comprimé (comme les marteaux-piqueurs)
- Toute nuisance sonore excessive pouvant détériorer l'audition du bébé
- Les positions accroupies ou penchées et la station debout prolongée
- Le travail à une température inférieure à 0°C, en condition hyperbare ou après 22h ­
- Les vibrations et les radiations ionisantes
- Les professions médicales ou en rapport avec la petite enfance sont soumises au risque biologique de contamination par de nombreux virus et bactéries. Des vaccinations peuvent alors être recommandées avant le début de la grossesse, en particulier contre la rubéole.
- La manipulation de médicaments notamment les chimiothérapies est déconseillée, car en cas d'absorption accidentelle (cutanée par exemple), la substance peut avoir des effets tératogènes sur le fœtus.

Le médecin du travail doit être plus attentif aux salariées enceintes : c'est à lui de demander les adaptations nécessaires au bon déroulement de la grossesse (horaires, aménagement de poste...). Les dispositions protectrices mises en place pour la femme enceinte figurent sur un certificat médical et sont valables un mois après le retour du congé post­natal. Par ailleurs, si aucun aménagement n'est possible, le contrat de travail peut être provisoirement suspendu avec des indemnités. Le congé maternité (pour une grossesse simple dans une famille n'ayant pas déjà plus de 2 enfants) commence 6 semaines avant l'accouchement (congé prénatal). Un assouplissement de la loi permet aussi aux femmes enceintes en forme d'entamer leur congé maternité seulement 3 semaines avant l'accouchement et d'additionner les 3 semaines non utilisées à leur congé post­natal, qui passe alors de 10 semaines normalement, à 13 semaines. Ce report doit se faire avec l'accord du médecin qui suit la grossesse. Si au contraire la grossesse est pathologique, le médecin peut prescrire un congé pathologique (d'une durée maximale de 2 semaines en une ou plusieurs fois), qui ne peut être additionné au congé post­natal. Lors du retour de la femme enceinte, une visite de reprise doit avoir lieu dans les 8 jours suivants et une fiche individuelle d'évaluation des risques professionnels est élaborée pour adapter si besoin le poste de travail.

En France les grossesses sont donc plutôt bien encadrées et la législation tente de protéger au mieux les femmes enceintes (ou en âge de procréer) contre les discriminations pour ce motif. Malgré cela un sondage de l'institut CSA en février 2009 montre qu'une femme active ou retraité
sur trois a le sentiment d'avoir été victime de discrimination au travail parce qu'elle est une femme et la moitié de celles qui ont vécu une grossesse pendant leur carrière estime que concilier les deux est une difficulté.

Deux entreprises multinationales américaines, Facebook et Apple, se déclarent prêtes à contourner le problème et ont déclaré vouloir financer la conservation des ovocytes des employées qui en expriment le désir à hauteur de 20 000$. Elles s'engagent donc à prendre en charge les frais liés à la procédure dans le cadre de la couverture médicale offerte aux salariés. Cet acte permettrait ainsi aux femmes de devenir mère plus tardivement si elles le souhaitent en utilisant les gamètes qu'elles avaient congelés étant plus jeunes. Ces firmes ont donc la garantie implicite que la femme fraîchement embauchée ne va pas délaisser son poste dans les mois qui suivent car elle est enceinte, mais pourra attendre un moment plus propice pour devenir mère. Sont aussi couvertes de nombreuses autres choses liées à l'infertilité : recherche de donneur de sperme, adoption... et des primes de naissance et des congés parentaux prolongés sont accordés aux salariés qui deviennent parents.

Facebook et Apple soutiennent donc qu'il ne s'agit pas d'essayer d'augmenter la « rentabilité » des employées mais plutôt de leur permettre de ne sacrifier ni leur vie de famille ni leur vie professionnelle. Cette annonce, effectuée sur la chaîne NBC News, est largement controversée, car le monde du travail prend parti dans un débat éthique médical. La ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine déclare qu'en France, il ne serait pas possible de voir des entreprises prendre cette même décision de cette manière : « ce n'est pas un débat pour des Directeurs de Ressources Humaines ». Pour autant, si l'on veut que les femmes (enceintes) ne soient plus victime de discriminations dans leur travail et que leurs grossesses ne soient pas un obstacle à leur carrière, un débat interdisciplinaire doit être mené.