L’asthme et l‘épigénétique

L'épigénétique se situe à cette frontière entre asthme et influences de l'environnement. Des travaux sont en cours sur de futures thérapeutiques ciblées.

(par les Drs Hubertus Glaser et Jörg Zorn)

Une grand-mère fumeuse met en danger ses petits-enfants

Les influences néfastes sur l’épigénétique héréditaire (!), que l’on peut retracer rétrospectivement, de la grand-mère fumeuse à sa petite-fille asthmatique1, peuvent parfois perturber les mécanismes physiques d’auto-défense. L’épigénétique, comme le microbiome, est un sujet très en vogue.2  
À ce titre, il a été largement abordé lors du congrès EAACI 2019 de Lisbonne.

Quand on parle d’épigénétique, on parle d’altération de l’expression génétique sans modification de la séquence ADN. La fonction génétique modifiée n’est donc pas issue d’une mutation mais des mécanismes régulateurs de transcription, la méthylation de l’ADN, la modification des histones et la modification post-transcriptionnelle grâce au micro-ARN (miARN) ou small interfering RNA (siRNA) étant au premier plan.

Un mécanisme aussi fondamental que l'épigénétique est susceptible de jouer un rôle dans de nombreuses maladies : le cancer, mais aussi le diabète, la BPCO et les allergies.  C’est aussi le cas de l'asthme, même si les chercheurs ont d’abord essuyé quelques revers et déceptions... qu’une nouvelle génération d'études épigénétiques devrait compenser2

L'épigénétique, responsable entre autres de l'expression de différents phénotypes, est à la jonction entre les influences environnementales et le développement de pathologies. Surtout, on espère qu'elle constituera un point de départ pour le développement de nouveaux concepts diagnostiques et thérapeutiques.

Les glucocorticoïdes : épigénétiquement efficaces, mais non spécifiques

Concept ancien, et largement utilisé, les glucocorticoïdes sont des modificateurs épigénétiques : ils peuvent modifier le modèle de méthylation. Le problème est qu'ils agissent de façon plutôt arbitraire. Les recherches se concentrent donc sur la manipulation épigénétique précise. Cette méthode est déjà utilisée en cancérologie : les inhibiteurs des ADN méthyltransférases (DNMT) ralentissent la méthylation de l'ADN, et les inhibiteurs d’histone désacétylase (HDACi) inversent la désacétylation des histones.

Les premiers médicaments épigénétiquement efficaces pour le traitement de certaines pathologies tumorales sont déjà sur le marché américain, par exemple l'inhibiteur de HDAC vorinostat et l'inhibiteur de DNMT 5-azacytidine ;

En Allemagne [idem en France], la décitabine, inhibiteur de l’ADN méthyltransférase, est sur le marché depuis 2012 pour le traitement des patients âgés de plus de 65 ans atteints de leucémie aiguë myéloblastique. L'enzyme épigénétiquement active EZH2 assure l'inactivation des gènes de suppression des tumeurs et se trouve dans les formes particulièrement malignes de cancer à forte teneur en cellules tumorales. Parmi les indications potentielles des futurs inhibiteurs-EZH2, citons le cancer du poumon non à petites cellules.

Cependant, beaucoup de questions demeurent sans réponse. Notamment de savoir si les médicaments épigénétiques modifient la physiologie cellulaire normale ou s’ils influent sur les traitements de chimiothérapie. Il s’écoulera probablement plusieurs années avant que des médicaments ayant un mécanisme d'action épigénétique ciblé puissent être généralisés.

Références : 
1. Li YF et al. Maternal and grandmaternal smoking patterns are associated with early childhood asthma. Chest 2005;127(4):1232-41
2. Vercelli D. Does epigenetics play a role in human asthma? Allergol Int 2016;65(2):123-6