SAUV Life SAS, la première Unité mobile de télémédecine

La pénurie de médecins dans certaines zones du territoire est d'autant plus problématique dans un contexte de pandémie. La téléconsultation touche ses limites. quand il s'agit de faire un test PCR ou une échographie. Pour éviter le transport inutile de patients fragiles et limiter l'engorgement des Urgences le CH de Saint-Lô expérimente une Unité mobile de télémédecine. Un véhicule léger, une valise bourrée de technologies et deux secouristes. La bonne équation ?



L’association SAUV Life était déjà connue pour son application qui permet à tout citoyen d'intervenir sur un arrêt cardio-respiratoire à la demande du Samu ou des pompiers. Le Pr Lionel Lamhaut (SAMU 75), président de SAUV Life, a proposé qu’une Unité mobile de télémédecine soit intégrée dans le projet de Service d'Accès aux Soins (SAS) du département de la Manche. L’expérimentation a commencé le 26 octobre et durera deux mois.
Thomas Delomas, chef du service des urgences du CH de Saint-Lô, détaille ce dispositif pionnier.



Notre département de la Manche, surtout les secteurs centre et sud, souffre cruellement du manque d'effecteurs médicaux. Les visites à domicile reposent sur quelques médecins généralistes. L’antenne de SOS médecins est basée à Cherbourg et intervient dans le nord du territoire. Résultat : les urgences du CH de Saint-Lô sont sur-sollicitées et les patients qui ne peuvent pas se déplacer doivent être acheminés en ambulance. Mais là aussi les ressources manquent, donc les délais de prise en charge s’allongent. La pandémie a accru l’engorgement de notre service, et l’afflux de personnes voulant se faire tester augmente le risque de contaminations.

Nous avions proposé à l’ARS fin septembre d’intégrer à notre projet de SAS une équipe mobile de téléconsultation. L’arrivée de la seconde vague, qui nécessite des tests PCR à domicile, nous a permis de commencer rapidement l’expérimentation.


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L'Unité mobile de télémédecine, c'est quoi ?

L’équipage est composé de deux secouristes confirmés de la Protection Civile (PSE Niveau 2) formés par le CH pour le test PCR et par SAUV’life pour l’utilisation de la valise de télémédecine Hopi. Celle-ci embarque une caméra, un électrocardiogramme, un stéthoscope connecté, un moniteur multi-paramètres, un échographe et un défibrillateur. Au total, une vingtaine de personnes se relaient pour garantir une disponibilité de l’équipage 7jours/7 de 8h à 20h. Le véhicule est basé au CH. Il est équipé d’un gyrophare et d’un deux-tons.


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Lors de l'intervention le technicien connecte la valise de télémédecine au médecin régulateur du SAMU 50. Il effectue les gestes à sa demande. Les équipeirs créent le DMP du patient si besoin, puis l'abondent avec le compte-rendu de la téléconsultation. La valise contient une imprimante pour les ordonnances et un lecteur de Carte Vitale. En une heure l’intervention est bouclée.  

L’équipage peut également effectuer les tests PCR. L’Unité est déjà intervenue sur un cluster en Ehpad (30 personnes) et plusieurs clusters intrafamiliaux. Elle intervient aussi chez les personnes isolées symptomatiques, ou bien en cas de suspicion chez les personnes à risque qui ne peuvent pas se déplacer.  


Bilan, perspectives

En deux semaines L’Unité est intervenue 37 fois et a réalisé au total 115 tests. On pourra monter en charge et à terme voir au moins un patient par heure. Sur les 20 intervention de téléconsultation, trois seulement ont nécessité ensuite une évacuation. Outre le gain en termes de ressources, nous avons évité le transport de patients souvent fragiles mais aussi diminué le risque de contamination.

La principale limite reste le nombre de médecins disponibles ; ce système réduit le nombre de transports et les délais de prise en charge, mais il ne modifie pas le temps de la consultation médicale. Autre frein éventuel, la couverture 4G qui peut varier selon les zones. L’utilisation de systèmes satellitaires pourrait si besoin améliorer l’efficience du dispositif.


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En blanc, les quelques zones du secteur sans couverture 4G (source Arcep).

Le financement de l'expérimentation est assuré pendant deux mois par l’association SAUV Life, elle-même supportée par des sponsors dont Rent A Car qui met le véhicule à disposition et la Fondation du groupe CNP Assurances. À l'issue de ce test nous espérons que l’ARS prendra la relève. Cette initiative est soutenue par tous les acteurs de la santé du département. Nous n’avons pas observé de levées de boucliers corporatistes, bien au contraire. Cette unité, c’est un chaînon manquant et une chance pour les déserts médicaux. Le concept pourrait être facilement répliqué.

L’ajout d’un laboratoire embarqué serait intéressant, mais l’état de la législation concernant les prélèvements sanguins nécessite la présence d’un infirmier. Or nous n’avons pas les ressources pour détacher un infirmier du CH, et un infirmier libéral ne s’y retrouverait pas financièrement au vu de la cotation des actes. La création attendue d’un Infirmier de pratique avancée «Urgences» ouvrirait des perspectives car cela permettrait en plus de diminuer le temps médical consacré à la consultation. Une alternative serait la création d’un nouveau métier de «technicien de téléconsultation». 


Dr Thomas Delomas

(Propos recueillis par le Dr Arnaud Depil-Duval)



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