Vaccin Pfizer-BioNTech contre la Covid-19 : quel risque d’anaphylaxie ?
Aux USA, après l'administration de quasiment deux millions de doses du vaccin Pfizer-BioNTech, moins de 4.500 événements indésirables ont été signalés. Parmi eux, 21 cas d'anaphylaxie. Aucun décès n'est à déplorer. Le risque semble particulièrement faible, mais des précautions s'imposent.
Du 14 au 23 décembre 2020, presque deux millions de doses du vaccin Pfizer-BioNTech ont été administrées aux États-Unis. Un rapport1 des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) résume les caractéristiques cliniques et épidémiologiques des cas de réactions allergiques, dont les réactions anaphylactiques.
Le 11 décembre 2020, la Food and Drug Administration a délivré une autorisation d'utilisation d'urgence pour le vaccin COVID-19 de Pfizer-BioNTech, administré en deux doses à 21 jours d’intervalle. Des doses initiales ont été recommandées pour les professionnels de santé et les résidents des établissements de soins de longue durée.
Au 23 décembre 2020, 1.893.360 premières doses avaient déjà administrées aux États-Unis (1.177.527 doses pour les femmes, 648.327 doses pour les hommes, 67.506 pour lesquelles le sexe n’a pas été déclaré).
Au total, 4.393 (0,2%) événements indésirables ont été signalés au Vaccine Adverse Event Reporting System (VAERS) après l'administration du vaccin. 175 d’entre eux, considérés comme des cas possibles de réaction allergique grave - y compris l'anaphylaxie - ont donné lieu à un examen plus approfondi et à la rédaction d’un rapport.
- 21 cas ont été retenus comme de possibles cas d'anaphylaxie,
- 86 cas ont été retenus comme de possibles réactions allergiques non anaphylactiques (dont trois ont ensuite été écartés)
- 61 cas ont été considérés comme des effets indésirables non allergiques
- 7 cas étaient encore en cours d'expertise.
L’anaphylaxie : 21 cas, 19 traités à l'épinéphrine, aucun décès
21 cas répondaient aux critères de définition des cas d'anaphylaxie tels que définis par la Brighton Collaboration2. Ceci correspond à un taux initial estimé de 11,1 cas par million de doses administrées. Tous ces rapports étaient de niveau 1 ou 2 de Brighton.
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17 de ces 21 patients avaient des antécédents documentés d'allergies ou de réactions allergiques. 7 avaient déjà connu un épisode d'anaphylaxie, dont un après l'administration d'un vaccin antirabique et un autre après un vaccin antigrippal.
- L'âge médian des personnes présentant une anaphylaxie était de 40 ans (fourchette = 27-60 ans). 19 cas (soit 90%) ont été enregistrés chez des femmes.
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18 des 21 cas d'anaphylaxie ont présenté des symptômes dans les 30 minutes suivant la vaccination. L'intervalle médian entre l'administration du vaccin et l'apparition des symptômes était de 13 minutes : 15 patients dans les 15 minutes, trois dans les 15-30 minutes, et trois après 30 minutes.
- Dans 19 cas sur 21 (soit 90%), les patients ont été traités à l'épinéphrine (intramusculaire). Quatre patients ont été hospitalisés et 17 ont été traités dans un service d'urgence. Au moment de la rédaction du document, tous les patients pour lesquels cette information était disponible (soit 20 sur 21) avaient quitté l’hôpital.
- Aucun décès par anaphylaxie n'a été signalé après l'administration du vaccin de Pfizer-BioNTech.
- Aucun regroupement géographique des cas d'anaphylaxie n'a été observé, et les cas sont survenus après l'administration de doses provenant de différents lots de vaccins.
Les réactions allergiques non anaphylactiques
- Au cours de la même période, le système VAERS a identifié 86 cas de réaction allergique non anaphylactique. Trois cas ont été écartés car les symptômes sont apparus après le jour qui suivait après la vaccination. 72 de ces 83 cas ont été classés comme non graves : les symptômes couramment signalés comprenaient le prurit, les éruptions cutanées, les sensations de démangeaison et de grattage dans la gorge et des symptômes respiratoires légers.
- L'âge médian des patients était de 43 ans (fourchette = 18-65 ans), et 75 (90%) étaient des femmes.
- L'intervalle médian entre l'administration du vaccin et l'apparition des symptômes était de 12 minutes.
- Pour 56 patients (67 %), des antécédents d'allergies ou de réactions allergiques ont été documentés.
Limitations
Sur la base de ce suivi précoce, l'anaphylaxie après l’administration du vaccin de Pfizer-BioNTech semble être un événement rare. Toutefois, les données disponibles sont limitées pour le moment et le rapport des CDC présente des limites :
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Le dispositif utilisé pour collecter les rapports repose sur un système d'auto-déclaration spontanées : des biais, dont la sous-déclaration, ne peuvent pas être écartés. Cependant, l'efficacité de la déclaration au VAERS des événements indésirables cliniquement graves est jugée élevée.
- A contrario, il est possible que l'intense attention médiatique autour de ce programme de vaccination et la sensibilisation accrue aux rapports d'anaphylaxie aient affecté le comportement et les pratiques des receveurs de vaccins et des professionnels de santé, notamment une inquiétude et une anxiété accrues, un indice de suspicion d'anaphylaxie plus élevé et un seuil de traitement précoce des cas suspects plus bas. Une surévaluation du diagnostic d'anaphylaxie est possible.
- Il est aussi possible que les décalages de données et la déclaration incomplète des doses de vaccin administrées sous-estiment le dénominateur (doses administrées) par rapport au numérateur (cas d'anaphylaxie). Là aussi, une surestimation du taux d'anaphylaxie associé à la vaccination ne peut être écartée.
Consignes
Concernant sur l'utilisation des vaccins Covid-19 à ARNm et la gestion de l'anaphylaxie, les CDC rappellent que les lieux de vaccination doivent :
- s'assurer que les fournitures nécessaires sont disponibles pour gérer l'anaphylaxie, en particulier des quantités suffisantes d'épinéphrine dans des seringues préremplies ou des auto-injecteurs ;
- dépister les personnes susceptibles de recevoir le vaccin afin d'identifier celles qui présentent des contre-indications ;
- appliquer les périodes d'observation post-vaccinale recommandées, soit 15 ou 30 minutes selon les antécédents de réactions allergiques de chaque patient ;
- veiller à ce que les professionnels de santé puissent reconnaître rapidement les signes et les symptômes de l'anaphylaxie ;
- traiter immédiatement l'anaphylaxie suspectée avec de l'épinéphrine intramusculaire. En raison de la nature aiguë de l'anaphylaxie, qui met la vie en danger, il n'existe aucune contre-indication à l'administration d'épinéphrine.
- informer tous les patients qu'ils doivent recevoir des soins médicaux immédiats s'ils présentent des signes ou des symptômes de réaction allergique après la fin de leur période d'observation et s'ils ont quitté le lieu de vaccination.
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Note :
1- Allergic Reactions Including Anaphylaxis After Receipt of the First Dose of Pfizer-BioNTech COVID-19 Vaccine - United States, December 14–23, 2020
2- La définition de l’anaphylaxie d’après la Brighton Collaboration utilise des combinaisons de symptômes pour définir les niveaux de certitude du diagnostic. Le niveau 1 de Brighton représente le plus haut niveau de certitude diagnostique qu'un cas déclaré est bien un cas d'anaphylaxie. Les niveaux 2 et 3 sont successivement des niveaux inférieurs de certitude diagnostique. Le niveau 4 est un cas signalé comme étant un cas d'anaphylaxie mais qui ne répond pas à la définition de cas de la Brighton Collaboration. Le niveau 5 est un cas qui n'a pas été déclaré comme anaphylaxie et qui ne répond pas à la définition.