Coloscopie : 6 erreurs à éviter

La coloscopie est une procédure complexe qui mobilise des compétences techniques et non techniques. Comment éviter les erreurs ?



La réalisation en toute sécurité d'un examen de haute qualité est la clé pour réduire le taux de cancer colorectal post-coloscopie (Postcolonoscopy colorectal cancer – PCCRC). Par ailleurs, l'amélioration de l'expérience des patients favorise l'adhésion de la population aux programmes de dépistages. 

Or, cet examen nécessite des compétences à la fois techniques (habileté manuelle et fortes capacités visuo-spatiales, aptitude à repérer et identifier les lésions) et non techniques (communication avec le patient et l'équipe, gestion du stress).

En outre, chaque coloscopie diffère en fonction de facteurs liés au patient (stratégie de sédation, configuration anatomique) et à la compétence propre de l'endoscopiste. Dans un tel contexte, la survenue d’erreurs n’est pas surprenante. 

L'UEG a récemment listé les six erreurs courantes durant une coloscopie... et la manière de les éviter.

Erreur 1 - Faire une coloscopie au patient qui n'en a pas besoin

La coloscopie est une étape essentielle de l'investigation des maladies colorectales. Encore faut-il y avoir recours de manière judicieuse et sélective, c'est-à-dire la proposer au bon patient et au moment optimal dans le parcours de soin.  

De nombreux médecins spécialistes peuvent adresser un patient pour une coloscopie. Il est donc primordial, avant tout, de s’assurer que l'examen permettra effectivement de répondre à la question clinique posée.

Ensuite, un processus de pré-évaluation fiable doit déterminer si le patient est apte à subir la coloscopie. Les facteurs tels que les comorbidités, la tolérance à l'examen, les problèmes de sédation et la capacité à se conformer à la préparation colique doivent être discutés en détail.

Toute complication, aussi «mineure» soit-elle, résultant d'une procédure qui n'est pas pleinement indiquée et/ou efficace sera plus difficile à défendre en cas de procédure médico-légale. 

Enfin, la sélectivité des examens médicaux est cruciale dans l'ère post-COVID-19, l'énorme retard pris en matière d'endoscopies devant être géré avec des ressources limitées.

Erreur 2 - Manque d’implication dans le briefing d’équipe et la check-list 

La planification et la préparation de l’examen sont des compétences non techniques fondamentales. L'importance des briefings d'équipe et des check-lists pré-procédure apparaît de plus en plus évidente.

Le briefing est une occasion cruciale pour identifier avec l'équipe d'endoscopie, de manière proactive, tout problème susceptible d'affecter le bon déroulement de la coloscopie.

L'endoscopiste doit être présent et réceptif aux informations nouvelles ou à une évolution de la situation du patient, afin d'établir si besoin un «plan B». Pour cela, la parole de chaque membre de l’équipe doit être entendue, ce qui nécessite un modèle de hiérarchie souple et une communication fluide.

La check-list pré-procédure, en particulier en présence du patient, est une étape cruciale. Elle offre une dernière occasion de confirmer le consentement du patient et de répondre à ses questions avant le début de l'intervention. 

Pour boucler la boucle, un débriefing de l'équipe en fin de service ou après une coloscopie complexe permet de corriger d’éventuels dysfonctionnements.   

Erreur 3 - Une remontée trop hâtive

La phase de remontée est essentielle pour établir le déroulement de la procédure tant du point de vue du patient (surtout s'il n'est pas sous sédation) que pour tout traitement ultérieur. C'est à ce moment-là que l'anxiété du patient mais aussi la possibilité d'instaurer un climat de confiance et de coopération sont les plus fortes.

L'endoscopiste peut alors déterminer le phénotype du côlon (atone et tortueux ou anguleux et étroit), l'adéquation de la préparation intestinale et la tolérance du patient, afin de procéder aux ajustements nécessaires. 

Durant cette phase, il est encore temps d’abandonner la procédure en vue de la replanifier avec une préparation intestinale supplémentaire ou une autre stratégie de sédation. Pour garantir la sécurité du patient, l’endocopiste peut aussi opter pour un examen alternatif tel que la CT Colonography ou la Double Balloon Endoscopy (DBE). 

La rétrovision rectale est réalisée au début ou à la fin de la procédure. Le principal avantage de la pratiquer au moment de l'insertion est l'identification immédiate d'une pathologie. De plus, la rétrovision rectale effectuée en fin d’examen peut coïncider avec des niveaux de sédation décroissants donc un inconfort pour le patient. 

L'optimisation de la technique de remontée du côlon est donc une compétence cruciale à enseigner. Si une remontée efficace permet à l'endoscopiste de consacrer proportionnellement plus de temps à l'évaluation de la muqueuse colique pendant la phase de rétraction, elle ne doit pas se faire au détriment du confort du patient.

Erreur 4 - Une baisse d'attention après avoir atteint le cæcum

Atteindre le cæcum est le premier indicateur clé de performance pour la coloscopie. C'est à ce stade que commence l’essentiel de la procédure, le retrait colique, or cela peut coïncider avec un moment où la charge cognitive de l’endoscopiste est élevée et où la fatigue se fait sentir, notamment si la remontée a été difficile.

Or, une extubation de haute qualité est essentielle pour identifier et réséquer les polypes, prévenir le cancer colorectal et réduire le nombre de coloscopies ultérieures. La rétraction du coloscope nécessite donc du temps et de la concentration, d'où la recommandation d'une durée minimale de 6 minutes pour cette seule phase. 

Le deuxième indicateur, c’est le taux de détection des adénomes. Outre la qualité du geste de l'endoscopiste, le recours au lavage des muqueuses puis à des techniques d’optimisation du rendu des images (Narrow Band Imaging, Linked Colour Imaging, Texture and Colour Enhancement Imaging) garantit un examen minutieux, notamment des zones à haut risque. La modification proactive de la position du patient est un autre facteur d'efficacité. 

Quant à l'intelligence artificielle, son rôle pour contribuer à la détection et à la caractérisation des lésions est de plus en plus évident. Elle pourrait pallier le manque de vigilance lié à la fatigue de l'endoscopiste.

Erreur 5 - Non prise en compte des facteurs humains en cas de complications 

La communication défectueuse et la question du consentement sont des éléments récurrents dans les plaintes médico-légales. Même dans le cadre d’une coloscopie «de routine», la communication au sein de l’équipe et avec le patient doit être perçue en tant que compétence spécifique et faire l'objet d'une formation et d'une évaluation. 

Les endoscopistes en formation se concentrent généralement sur les compétences techniques. Mais avec l’expérience, ils développent des compétences non techniques tout aussi cruciales : aptitude au travail en équipe et capacité à prendre une décision rapide, y compris lorsqu’il s’agit de renoncer à l’examen.   

Un incident ou une complication au cours de l’examen génèrent une charge cognitive élevée. En plus de l’impact sur la qualité technique de la coloscopie, le stress induit par l’urgence risque de fausser la perception de l’endoscopiste, focalisé sur un aspect restreint de la situation. La communication verbale au sein de l’équipe est également dégradée.   

Quelle que soit cette situation, il est essentiel de prendre en compte ces facteurs humains afin de :

Enfin, même si dans ce type de situation la priorité reste à la sécurité du patient, la communication avec lui doit rester individualisée.  

Erreur 6 - Rédaction d’un rapport incomplet

Le rapport d'endoscopie n'est pas qu'un compte rendu technique. Il doit être spécifique au cas du patient et répondre à la question clinique posée. Outre le diagnostic clinique doivent figurer des éléments tels que :

Ces éléments sont indispensables en vue d'une future coloscopie. De manière plus générale, le compte rendu doit être considéré comme un document autonome comprenant toutes les informations nécessaires au cas où le patient soit admis dans un autre service à la suite de complications post-examen. 

Enfin, le rapport doit être rédigé en des termes compréhensibles par le médecin référent. L’endoscopiste doit aussi garder à l'esprit que ce document peut être utilisé sur un plan médico-légal, d’où l’importance de relater précisément le déroulé, les résultats et les limites de la coloscopie. 

Ces comptes rendus sont des documents cruciaux dans lesquels des erreurs peuvent facilement se glisser. Entre la sortie du patient après l'examen et l’arrivée du suivant, de nombreuses distractions guettent l'endoscopiste.

Le fait qu’il s'acquitte simultanément de plusieurs tâches, ainsi que la fatigue ressentie après un examen compliqué, peuvent aussi altérer son attention. La vigilance est donc de mise.

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Référence :

Matharoo M, Ravindran S and Thomas-Gibson S.
Mistakes in colonoscopy and how to avoid them.
UEG Education 2023; 23: 4-7