Loi santé : la parole aux médecins et futurs médecins (résultats)

Alors que la Loi de Modernisation de notre Système de Santé a été adoptée par l’Assemblée Nationale le 14 avril 2015, une enquête auprès des médecins et futurs médecins a été menée afin de recueillir leur ressenti face à la loi. 794 médecins et futurs médecins ont participé à l’enquête réalisée en ligne du 15 au 22 avril 2015. Les participants s

Alors que la Loi de Modernisation de notre Système de Santé a été adoptée par l’Assemblée Nationale le 14 avril 2015, une enquête auprès des médecins et futurs médecins a été menée afin de recueillir leur ressenti face à la loi. 794 médecins et futurs médecins ont participé à l’enquête réalisée en ligne du 15 au 22 avril 2015.

Les participants sont : des docteurs en médecine (44%), des médecins remplaçants (pour la plupart non thésés) 4%, des internes 22,5% et des étudiants en médecine (29,5%). Résultats de l’enquête sous format pdf

98% des médecins et futurs médecins se sentent concernés par la loi de santé.

La grande majorité, pour ne pas dire la totalité des médecins et futurs médecins se sentent concernés par la loi de santé (98%), ce qui explique la forte mobilisation des médecins lors des rassemblements et débats contre la loi de santé.

Ils sont 42% à considérer avoir une bonne connaissance de la loi de Modernisation de notre Système de Santé, ce qui témoigne non seulement de leur intérêt mais aussi de leur implication dans le débat qui a eu lieu autour de cette loi. Notons par ailleurs qu’ils ne sont que 8% à avoir une connaissance faible, voire très faible du texte. En comparant les résultats en fonction du statut des participants, on constate que pas moins de 67% des docteurs en médecine considèrent avoir une bonne voire très bonne connaissance de la loi. Ils sont 51% chez les internes contre 40% chez les étudiants. Ces chiffres laissent à penser que plus les médecins sont proches de vivre la mise en place de la loi, plus ils en maîtrisent les tenants et aboutissants.

40% des participants craignent la mise en place de la généralisation du tiers-payant.

Alors que selon un sondage Opinion Way, publié en mars 2015, 63% des Français déclaraient vouloir bénéficier d’une dispense d’avance de frais lors de leur consultation chez leur médecin généraliste, c’est justement cette mesure que les médecins et futurs médecins redoutent le plus.
En effet, à la question: “Quel est la mesure de la loi que vous craignez le plus ?”, les participants ont eu plusieurs réponses au choix et 40% d’entre eux ont répondu: “la généralisation du tiers-payant”. En deuxième place arrive “la loi dans sa totalité” avec 38%. On note une légère différence en fonction des “statuts” des participants: les docteurs en médecine installés se distinguent des autres catégories; ils sont les seuls à plus craindre la loi dans sa totalité que la seule généralisation du tiers-payant.

Les revendications syndicales pas vraiment représentatives de celles du terrain

Les résultats de la question : “Les revendications syndicales durant le débat ont-elles été à l’image des revendications du terrain?” témoignent d’un fossé entre les médecins du terrain et le ressenti qu’ils ont de leurs représentants syndicaux. Si 27% trouvaient les revendications syndicales très à l’image, la majorité (33%) les ont considérées “moyennement” à l’image. Les arguments avancés par les participants à l’enquête permettent de dégager plusieurs grands axes explicatifs. Tout d’abord, ils sont nombreux à critiquer les choix faits par certains syndicats d’utiliser le débat pour réclamer une augmentation de 2€ du prix de la consultation chez les médecins généralistes, considérant que ce détournement du débat décrédibilisait la profession (40%). Ensuite, 29% déplorent une concentration des revendications syndicales sur le tiers-payant généralisé, oubliant ainsi d’aborder des questions plus problématiques pour les professionnels. De la même manière, 9% reprochent aux syndicats de s’être concentrés sur les doléances des médecins, sans expliquer, ce que la loi changerait pour les patients.

86% des participants en activité pourraient être amenés à envisager un changement radical dans leur exercice à cause de la loi santé.

A la question : “La mise en place de la loi santé pourrait-elle vous amener à envisager un changement radical dans votre exercice ?”, seuls les médecins installés et ceux remplaçants ont répondu. 3% déclarent n’y avoir jamais réfléchi, 11% ont répondu “non”, tandis que 86% déclarent que la loi santé pourraient les amener à envisager un changement radical dans leur exercice. Ce chiffre impressionnant est représentatif de la fracture existant entre les médecins et le ministère de la santé. La loi, en tant que mesure politique, vient remettre en cause non seulement un système mais aussi des idéaux auxquels les médecins sont attachés. Cela témoigne non seulement d’une mésentente réelle mais aussi une crainte de l’avenir. Parmi les réponses proposées, celle du déconventionnement est la plus envisagée par les médecins: 36% chez les médecins installés et 26% chez les médecins remplaçants. Dans le cas des docteurs en médecine installés, l’expatriation et la reconversion arrivent respectivement en deuxième et troisième position (24 et 17%), chez les remplaçants, ce sont la non-installation et la reconversion (29% chacune), qui occupent ces deux places.

Sélections de commentaires :

“Une loi de santé écrite sans concertation avec les principaux intéressés pour laquelle elle sera appliquée est une aberration. En occultant les conséquences qu’elles impliqueront est une stratégie qui amènera le pays à sa perte. C’est une loi qui se veut révolutionnaire mais qui, au lieu de s’attaquer aux vrais problèmes que connaît déjà le système actuel (déficit de la Sécurité sociale, remboursements médiocres des prothèses médicales, …), va au contraire en ajouter d’autres tout aussi gourmands, si ce n’est plus, financièrement. C’est déposséder le métier de la santé de son essence, transformer des artistes pensants en techniciens décérébrés.” Le point de vue d’un(e) étudiant(e) en médecine

“Je trouve que l’on ne s’est pas assez intéressé à l’opinion et aux revendications des étudiants. En effet il ne faut pas oublier que c’est nous qui allons le plus avoir à faire à cette loi, c’est NOTRE avenir et celui de NOS patients qui est en jeu. Et personne ne s’est soucié de savoir ce que l’on pensait. Je vais passer le concours de l’internat en 2017, je vais donc être aux premières loges lorsque la loi devrait être appliquée. En temps qu’externe je travaille près de 60h/semaines, sous payée (109€/mois, youpidouuu!!!). J’ai un concours à préparer, des responsabilités considérables auprès de mes patients, peu de temps pour moi, un travail monstre pour mes partiels et ceci va durer en moyenne 10ans. Bref, les études de médecine sont un réel sacrifice et un sacrifice que nous faisons non pas pour nous, mais pour la santé de nos patients, pour devenir de vrais bons médecins. Et PERSONNE n’a essayé de savoir ce que nous, futurs médecins, pensons de cette fichue loi.” Le point de vue d’un(e) étudiant(e) en médecine

“L’esprit même de cette loi est dangereux , a commencer par l’article 1, qui établit le droit à la santé et le fait que la politique de santé relève de la responsabilité de l’état.
Tout ce qui est dans cette loi vise à détruire la médecine telle que nous l’exerçons actuellement, du tiers-payant généralisé, qui sous pretexte de justice sociale permettra en fait le désengagement de la securité sociale et l’entrée des médecins dans les réseaux de soins, à l’étatisation de l’organisation du soin qui fera que l’administration s’insinuera dans le colloque singulier du médecin avec son patient. L’ouverture des données de santé est également une atteinte inacceptable à l’existence du secret médical” Le point de vue d’un(e) Docteur en médecine

Résultats de l’enquête sous format pdf

Texte : esanum / pg