Méthylation de l’ADN de leucocytes cirulants & cancer colorectal

Le cancer colorectal (CCR) se caractérise par de multiples modifications génétiques et épigénétiques induisant une dérégulation de cascades de transduction de signaux cellulaires. En particulier, la méthylation de l’ADN (modification chimique ne changeant pas la séquence génétique) induit l’inhibition de gènes suppresseurs de tumeurs à l’origine

Le cancer colorectal (CCR) se caractérise par de multiples modifications génétiques et épigénétiques induisant une dérégulation de cascades de transduction de signaux cellulaires. En particulier, la méthylation de l’ADN (modification chimique ne changeant pas la séquence génétique) induit l’inhibition de gènes suppresseurs de tumeurs à l’origine de phénotypes “malades” dans l’initiation de tumeurs, dont le CCR. La méthylation de l’ADN peut être impactée par les habitudes alimentaires et le style de vie.

Contexte
La littérature fait état de différents gènes dont les promoteurs sont anormalement hyper-méthylés, en association avec le CCR (gènes codant des suppresseurs de métastase AOX-1 et RARB2, des inhibiteurs d’angiogénèse RERG et ADAMTS9 et des facteurs de transcription de signal (IRF4 et FOXE-1). La recherche de biomarqueurs liés à la méthylation de l’ADN est fréquente à partir de tissu tumoral de CCR. Des données récentes suggèrent un lien entre la méthylation de l’ADN dans les leucocytes et la susceptibilité au CCR. Les îlots CpG sont des portions de gènes riches en dinucléotides CG, dont l’hyper-méthylation est reconnue comme mécanisme majeur du développement du CCR.

Etude et méthodes
Une étude récente du journal Scientific Reports (DOI: 10.1038/srep29922) menée en Chine, a évalué l’interaction entre méthylation de l’ADN de gènes de leucocytes et des facteurs environnementaux, en lien avec le risque et pronostic de CCR. Sur trois périodes de temps (2004-2005, 2007-2008 et 2010-2011), 421 patients de CCR subissant une résection chirurgicale et 506 individus contrôles sans maladie gastro-intestinale ni historique de CCR ont été identifiés et inclus dans cette étude. Des échantillons sanguins ont été prélevés et les participants ont été questionnés sur leurs habitudes alimentaires ainsi que par une enquête sur la nutrition comprenant données démographiques, style de vie, historique familial de cancer et état nutritionnel sur 12 mois. Un suivi post-opératoire des patients a été réalisé pendant 109 mois. L’ADN génomiques des participants a été extrait à partir des échantillons sanguins, et modifié chimiquement au bisulfite de sodium pour l’analyse de méthylation par courbes de fusion à haute résolution (HRM = High Resolution Melting).

Résultats
Les groupes patients et contrôles diffèrent de par l’âge moyen, l’IMC, la catégorie d’occupation (mental vs. manuel) et l’historique familial de cancers. L’analyse de la méthylation d’ADN, après ajustement par ces critères démographiques, révèle une association significative entre la méthylation de l’ADN des gènes AOX-1, ADAMTS9, RERG et IRF4 et risque de CCR (risques relatifs ORs= 1.72, 1.85, 2.08 et 16.96, respectivement). La stratification par âge (< ou >60 ans) montre une association significative de la méthylation sur FOXE-1 et AOX-1 uniquement dans le groupe des plus de 60 ans (OR=1.700 et 3.791 respectivement) et une association plus forte dans ce groupe pour la méthylation sur ADAMTS9 et RERG (2.025 vs. 1.803 et 4.821 vs. 2.036, respectivement). La méthylation sur IRF4 est significativement associée au risque de CCR chez les patients 60 ans exacerbe ces résultats (ORs= 1.938 et 5.128 pour les profils MCSM-L et -H, respectivement).

Des facteurs environnementaux (habitudes alimentaires et âge notamment) ont des interactions spécifiques avec la méthylation de gènes individuels sur le risque de CCR. L’âge procure un effet synergique sur la méthylation de RERG (OR=2.65) et d’AOX-1 (OR=3.21). La consommation de céréales montre également un effet synergique avec la méthylation d’AOX-1 (OR=1.82). Pour la méthylation d’ADAMTS9 et de RARB2, des effets antagonistes sont apportés par la consommation de poisson vapeur avec de la sauce brune (OR=0.50) d’un côté, et par la consommation de nourriture piquante (0.52) et la prise de repas nocturnes (OR=0.48).

Une mortalité de 44.3% est observée après les 109 mois de suivi, et la survie globale est estimée à 59.2 mois. Le pronostic après résection chirurgicale est impacté par la classification pathologique de Dukes, le taux pré-opératoire de l’antigène CA19-9 et le niveau d’anastomose intestinale. Cependant, même en prenant en compte ces facteurs, aucune association significative n’a été démontrée entre méthylation de l’ADN et pronostic du CCR.

Conclusions
Cette étude a révélé une association entre risque de CCR et méthylation de l’ADN sur des gènes impliqués dans des mécanismes de cancérogenèse. Cependant, la méthylation n’est pas associée au pronostic du CCR. Les habitudes alimentaires peuvent impacter l’effet de la méthylation de gènes spécifiques sur le risque de CCR. L’effet de la méthylation sur l’expression des protéines codées par les gènes étudiés est méconnu, et d’autres études sont nécessaires pour valider ces biomarqueurs génétiques de leucocytes issus de la circulation sanguine, pour l’évaluation du risque de CCR.

Texte : jd / esanum


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