Les facteurs psychologiques sans incidence sur le cancer du sein

Le cancer du sein est le cancer féminin le plus fréquent au monde. Plusieurs facteurs de risque sont bien connus, comme l’âge des premières règles, la ménopause ou l’obésité. Bien que largement étudiée, l’implication de facteurs psychologiques dans l’incidence du cancer du sein reste indéterminée. Contexte Les deux grandes hypothèses impliquant

Le cancer du sein est le cancer féminin le plus fréquent au monde. Plusieurs facteurs de risque sont bien connus, comme l’âge des premières règles, la ménopause ou l’obésité. Bien que largement étudiée, l’implication de facteurs psychologiques dans l’incidence du cancer du sein reste indéterminée.

Contexte

Les deux grandes hypothèses impliquant ces facteurs concernent l’altération des systèmes immunitaire et endocrinien d’une part, et une altération comportementale d’autre part. Une étude japonaise a mis en évidence une association entre risque amoindri de cancer du sein chez la femme et deux traits de caractère, l’esprit de décision et l’ikigai, un concept japonais de joie de vivre et de raison d’être. A l’inverse, une méta-analyse récente n’a pas révélé d’association entre la personnalité ou les facteurs psychosociaux liés au stress et le risque de cancer du sein. Les durées de suivi des différentes études existantes (< 10 ans) peuvent sous-estimer les associations analysées car le développement du cancer du sein jusqu’à un stade détectable peut prendre jusqu’à 14 ans.

Etude et méthodes

Les auteurs de l’étude japonaise associant esprit de décision et ikigai à une diminution du risque de cancer du sein (suivi de 7-9 ans) ont récemment publié une nouvelle étude basée sur le suivi de la même population (29,098 femmes, issues de la Japan Collaborative Cohort Study) pour une durée maximale de 21 ans (moyenne de 12.8 ans) (DOI: 10.1038/srep32559). Les données démographiques, d’historique médical, de style de vie, et de traits psychologiques ont été collectés au moment du recrutement (1988-1990) par auto-questionnaire. Les traits psychologiques d’intérêt sont l’ikigai, l’esprit de décision, la facilité à stimuler la colère, et le stress ressenti. L’incidence de cancer du sein a été suivie jusqu’à fin 2009. Différents facteurs potentiellement confondants ont été pris en considération: l’âge, le niveau d’éducation, l’historique familial de cancer du sein, l’âge aux premières règles, le statut ménopausal, l’âge à la ménopause, l’âge au premier accouchement, le nombre d’accouchements, l’utilisation d’hormones, la consommation d’alcool, de légumes à feuille verte, les habitudes de marche et d’activité physique, le travail sédentaire, la taille et l’IMC.

Résultats

Des interactions modérées apparaissent entre les quatre traits psychologiques étudiés (coefficients de Spearman entre 0.03 et 0.32), permettant une investigation indépendante de leur association au risque de cancer du sein. Les caractéristiques des participantes au moment du recrutement révèlent une différence entre posséder l’ikigai ou l’esprit de décision d’une part, et être facilement en colère ou ressentir un stress quotidien d’autre part. Il s’avère que les participantes de la première catégorie ont des habitudes d’activité physique moyennes supérieures (marche: 74.2% vs. 69.4%, exercice: 13.0% vs. 8.2%) et sont moins nombreuses à consommer des légumes à feuille verte (33.8% vs. 40.9%). L’âge, l’éducation, la sédentarité au travail et l’IMC sont quasiment constants quelles que soient les réponses aux traits psychologiques. Durant ce suivi maximal de 21 ans, 209 cas de cancer du sein ont été diagnostiqués. Aucun des 4 traits psychologiques n’apparaît significativement associé au risque de cancer du sein après ajustement à l’âge. Un risque accru est tout de même détecté en rapport avec la perception du stress (HR=1.71, IC95%: [1.02-2.85]) après ajustement à toutes les variables confondantes prises en considération.

Conclusions

La précédente étude basée sur un suivi maximal de 9 ans d’une population de femmes japonaises faisait état d’une association entre risque de cancer du sein et ikigai ou esprit de décision. Cette nouvelle évaluation de l’incidence du cancer du sein sur la même population après un suivi maximal de 21 ans ne révèle plus d’association avec ces deux traits psychologiques. Les auteurs évoque le rôle du temps dans l’évolution des traits de personnalité, amoindrissant potentiellement leurs effets sur l’incidence du cancer du sein, ayant pour effet de ne pas pouvoir confirmer les résultats précédents par cette nouvelle étude. Cependant, ils ne négligent pas le risque d’une sur-évaluation statistique des associations révélées dans leur première étude. Les études de ce type d’association avec un suivi suffisamment long par rapport au développement d’un cancer du sein sont peu nombreuses, mais aucune n’a mis en évidence d’effet de caractères psychologiques sur l’étiologie du cancer du sein.

Texte : esanum / jd
Photo : Shutterstock/Piotr Marcinski


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