Les déserts médicaux chapitre 4 : Le point de vue de Monsieur Mancel, secrétaire national à la santé, petite enfance, protection sociale et autonomie du PS

Les déserts médicaux sont depuis quelques temps au cœur de nombreux débats sur la médecine. Médecins, syndicats, population et politique s’accordent à dire que le manque de médecins est un problème, qui se manifeste notamment avec des temps d’attente de plus en plus long ou le nécessaire déplacement dans la ville voisine.

Après avoir contacté différents acteurs de la santé en France et leur avoir parler des déserts médicaux, nous avons contacté Monsieur Mancel, secrétaire national à la santé, petite enfance, protection sociale et autonomie du Parti Socialiste. La participation d’un membre du parti majoritaire nous a semblé nécessaire afin de mieux comprendre la politique de santé actuellement mise en place.

Q1. Docteur RUA, Président du SML, faisait lors de notre entretien, allusion à la DATAR et à l’actuelle impossibilité de prévoir les évolutions territoriales. Pensez-vous que la question de la désertification est à intégrer à la problématique plus globale de l’aménagement du territoire ? La réponse est-elle selon vous plutôt locale ou nationale ?

L’aménagement du territoire est une mission complexe, dont les tenants ne se limitent pas à des infrastructures ou des aménagements de voirie mais impliquent un grand nombre de sujets fondamentaux pour la structuration des territoires. Les équipements publics, l’animation locale, l’accès aux soins ou encore l’accès aux transports sont autant de paramètres nécessaires au bon fonctionnement d’un bassin de vie. Tous nos concitoyens, égaux en droits et en devoirs aux yeux de la République doivent pouvoir bénéficier des mêmes types d’équipements. L’accès aux soins est un pilier de vie citoyenne et passe par deux biais : l’accessibilité financière et l’accessibilité territoriale.

La généralisation du tiers-payant entend répondre aux difficultés financières d’accès aux soins des habitants de nos régions. Ne plus avoir à avancer le prix d’une consultation paraît désuet à certains, pourtant, sur le terrain, c’est une mesure qui va changer la vie d’un grand nombre de personnes, durement éprouvées par la conjoncture économique. Cette mesure ne doit pour autant pas être envisagée seule ; elle s’inscrit dans une réflexion plus globale portant sur les dépassements d’honoraires et l’accès effectif aux droits, puisqu’aujourd’hui encore, ignorant leur éligibilité à un certain nombre de prestations sociales comme la CMU ou l’ACS, un grand nombre de personnes y renoncent.

La désertification de nos territoires en professionnels de santé est un frein majeur à l’accès aux soins. La réponse à cette problématique doit être initiée, comme toute politique publique à l’échelle nationale, puis déclinée, au gré des besoins et au plus près des bassins de population, à l’échelon local. C’est de cette manière que nous pourrons répondre de façon spécifique et adaptée à la diversité de nos territoires.

Q2. Les mesures incitatives ont été privilégiées par la ministre, se démarquant ainsi du rapport du Sénat dont le rapporteur est le sénateur centriste Hervé Maurey. Ce dernier prônait la mise en place de mesures coercitives. Le choix de la Ministre est-il selon vous pertinent ?

De plus en plus de professions acceptent d’inclure dans leurs conventions nationales des clauses démographiques permettant d’assurer leur présence effective sur l’ensemble du pays. Les pharmaciens avaient été les premiers à, dès 1968, signer une convention proposant une clause démographique à l’installation de leurs officines. Les médecins sont toujours récalcitrants à cette idée, qu’ils voient comme une entrave à leur exercice libéral. Or, les professionnels de santé ont un exercice libéral particulier, dans la mesure où ils sont solvabilisés par la solidarité nationale, contrairement aux avocats ou aux architectes. Ces derniers, sont des « vrais » libéraux dans le sens où leur activité est dépendante des besoins de leurs clients et +de leurs moyens. A l’inverse, les médecins ont affaire à des patients et non des clients, remboursés par la sécurité sociale et les organismes complémentaires et dont l’accès aux soins, quel que soit leur lieu d’habitation est un droit fondamental.

Le débat sur la pertinence de la coercition versus l’incitation est ancien. Le choix a été fait par la Ministre de rester sur des mesures incitatives, qui, malheureusement, n’ont, jusqu’à présent pas donné de preuves de leur efficience, notamment dans les départements les plus éprouvés. Les centristes avaient défendu en début de mandature une proposition de loi visant à mettre en œuvre une forme de coercition à l’installation des médecins et les députés socialistes avaient voté un « non de soutien », soulignant ainsi leur volonté de voir la situation évoluer et les représentants des médecins faire preuve de responsabilité en la matière. Si les propositions actuelles échouent, nous devrons collectivement en tirer les conclusions qui s’imposent et aller, en accord avec les organisations syndicales, vers des solutions plus adaptées aux besoins de la population.

Q3. Les représentants des différents syndicats de médecins craignent une étatisation de la médecine. Pouvez-vous comprendre cette crainte ?

Il n’y a pas d’étatisation de la médecine. Cette profession, profondément humaine et tournée vers l’autre est un pilier de l’Etat de droit. D’ailleurs, la protection de la santé de nos concitoyens est garantie par notre Constitution et la sécurité sociale a été mise en œuvre dans un grand mouvement de progrès social pour assurer la jouissance de ce droit. Ce dernier est donc sous la houlette, et ce, depuis toujours, de l’Etat. Pour autant, il n’y a pas d’étatisation. Nous ne sommes pas, en France, dans un système beveridgien. Les représentants des syndicats de médecins agitent cette crainte afin de protéger notre modèle, qui ne sera pas impacté dans ce sens. Il n’y a donc pas de crainte à avoir.

Q4. Le rapport de l’OCDE intitulé « Panorama de la santé 2013 » fait le point sur la santé dans le monde. Le graphique précédent illustre l’évolution inégale du nombre de médecins dans différents pays. Comparée au Portugal, Grèce et Royaume-Uni, l’évolution du nombre de médecins en France entre 2000 et 2010 est faible. En cause une densité faible de nouveaux étudiants en médecine pour 100 000 habitants et une population de médecins vieillissante. Comment expliqueriez-vous cela ? Un assouplissement du numerus clausus est-il selon vous une solution envisageable à l’augmentation du nombre de médecins ?

En France, il n’y a jamais eu autant de médecins en exercice qu’actuellement. Le principal problème n’est donc pas le nombre de médecins ou une éventuelle variation du numerus clausus ; bien que la question se pose régulièrement afin de tenir compte de l’évolution de la population et de ses besoins ; mais plutôt, la répartition géographique des médecins.

Il y a toutefois un paramètre important à prendre en compte, c’est celui des aspirations des jeunes médecins. Les modes d’exercice évoluent, le temps de travail effectif tend à se réduire et la relation au patient évolue également. C’est une bonne chose. Les jeunes générations aspirent à un exercice regroupé, pluridisciplinaire, sans contraintes administratives et tourné vers le patient. Ce sont ces paramètres là que nous devons prendre en compte pour permettre à nos médecins d’exercer de cette façon. D’autant que nous sommes convaincus de sa portée positive pour notre système de soins.

Q5. Si vous pouviez changer quelque chose au système de santé français, ce serait quoi ?

Sa philosophie.

Notre système de santé a trop longtemps abordé la maladie via le prisme curatif et non préventif. Il est temps de faire évoluer notre modèle pour, non pas endiguer ou empêcher l’apparition de la maladie, mais plutôt maintenir les individus le plus longtemps possible en bonne santé. C’est une différence d’approche qui doit faire de l’éducation à la santé le pilier de notre politique de santé publique.”

L’intervention de monsieur Mancel met en évidence que les positions au sein du PS sont plus nuancées que l’on ne pourrait le penser. Et la position du secrétaire national à la santé, petite enfance, protection sociale et autonomie du Parti Socialiste par rapport à la prévention n’est pas sans rappeler celles des présidents syndicaux Docteur Duquesnel et Docteur Rua. Mais la loi de santé de Marisol Touraine ne semble pas totalement répondre à leurs attentes dans ce domaine. Cette dernière limitant la prévention à la vaccination et risques liés à l’alcool et au tabac.s déserts médicaux sont depuis quelques temps au cœur de nombreux débats sur la médecine. Médecins, syndicats, population et politique s’accordent à dire que le manque de médecins est un problème, qui se manifeste notamment avec des temps d’attente de plus en plus long ou le nécessaire déplacement dans la ville voisine.
Mancel déserts médicauxAprès avoir contacté différents acteurs de la santé en France et leur avoir parler des déserts médicaux, nous avons contacté Monsieur Mancel, secrétaire national à la santé, petite enfance, protection sociale et autonomie du Parti Socialiste. La participation d’un membre du parti majoritaire nous a semblé nécessaire afin de mieux comprendre la politique de santé actuellement mise en place.

“Q1. Docteur RUA, Président du SML, faisait lors de notre entretien, allusion à la DATAR et à l’actuelle impossibilité de prévoir les évolutions territoriales. Pensez-vous que la question de la désertification est à intégrer à la problématique plus globale de l’aménagement du territoire ? La réponse est-elle selon vous plutôt locale ou nationale ?

L’aménagement du territoire est une mission complexe, dont les tenants ne se limitent pas à des infrastructures ou des aménagements de voirie mais impliquent un grand nombre de sujets fondamentaux pour la structuration des territoires. Les équipements publics, l’animation locale, l’accès aux soins ou encore l’accès aux transports sont autant de paramètres nécessaires au bon fonctionnement d’un bassin de vie. Tous nos concitoyens, égaux en droits et en devoirs aux yeux de la République doivent pouvoir bénéficier des mêmes types d’équipements. L’accès aux soins est un pilier de vie citoyenne et passe par deux biais : l’accessibilité financière et l’accessibilité territoriale.

La généralisation du tiers-payant entend répondre aux difficultés financières d’accès aux soins des habitants de nos régions. Ne plus avoir à avancer le prix d’une consultation paraît désuet à certains, pourtant, sur le terrain, c’est une mesure qui va changer la vie d’un grand nombre de personnes, durement éprouvées par la conjoncture économique. Cette mesure ne doit pour autant pas être envisagée seule ; elle s’inscrit dans une réflexion plus globale portant sur les dépassements d’honoraires et l’accès effectif aux droits, puisqu’aujourd’hui encore, ignorant leur éligibilité à un certain nombre de prestations sociales comme la CMU ou l’ACS, un grand nombre de personnes y renoncent.

La désertification de nos territoires en professionnels de santé est un frein majeur à l’accès aux soins. La réponse à cette problématique doit être initiée, comme toute politique publique à l’échelle nationale, puis déclinée, au gré des besoins et au plus près des bassins de population, à l’échelon local. C’est de cette manière que nous pourrons répondre de façon spécifique et adaptée à la diversité de nos territoires.

Q2. Les mesures incitatives ont été privilégiées par la ministre, se démarquant ainsi du rapport du Sénat dont le rapporteur est le sénateur centriste Hervé Maurey. Ce dernier prônait la mise en place de mesures coercitives. Le choix de la Ministre est-il selon vous pertinent ?

De plus en plus de professions acceptent d’inclure dans leurs conventions nationales des clauses démographiques permettant d’assurer leur présence effective sur l’ensemble du pays. Les pharmaciens avaient été les premiers à, dès 1968, signer une convention proposant une clause démographique à l’installation de leurs officines. Les médecins sont toujours récalcitrants à cette idée, qu’ils voient comme une entrave à leur exercice libéral. Or, les professionnels de santé ont un exercice libéral particulier, dans la mesure où ils sont solvabilisés par la solidarité nationale, contrairement aux avocats ou aux architectes. Ces derniers, sont des « vrais » libéraux dans le sens où leur activité est dépendante des besoins de leurs clients et +de leurs moyens. A l’inverse, les médecins ont affaire à des patients et non des clients, remboursés par la sécurité sociale et les organismes complémentaires et dont l’accès aux soins, quel que soit leur lieu d’habitation est un droit fondamental.

Le débat sur la pertinence de la coercition versus l’incitation est ancien. Le choix a été fait par la Ministre de rester sur des mesures incitatives, qui, malheureusement, n’ont, jusqu’à présent pas donné de preuves de leur efficience, notamment dans les départements les plus éprouvés. Les centristes avaient défendu en début de mandature une proposition de loi visant à mettre en œuvre une forme de coercition à l’installation des médecins et les députés socialistes avaient voté un « non de soutien », soulignant ainsi leur volonté de voir la situation évoluer et les représentants des médecins faire preuve de responsabilité en la matière. Si les propositions actuelles échouent, nous devrons collectivement en tirer les conclusions qui s’imposent et aller, en accord avec les organisations syndicales, vers des solutions plus adaptées aux besoins de la population.

Q3. Les représentants des différents syndicats de médecins craignent une étatisation de la médecine. Pouvez-vous comprendre cette crainte ?

Il n’y a pas d’étatisation de la médecine. Cette profession, profondément humaine et tournée vers l’autre est un pilier de l’Etat de droit. D’ailleurs, la protection de la santé de nos concitoyens est garantie par notre Constitution et la sécurité sociale a été mise en œuvre dans un grand mouvement de progrès social pour assurer la jouissance de ce droit. Ce dernier est donc sous la houlette, et ce, depuis toujours, de l’Etat. Pour autant, il n’y a pas d’étatisation. Nous ne sommes pas, en France, dans un système beveridgien. Les représentants des syndicats de médecins agitent cette crainte afin de protéger notre modèle, qui ne sera pas impacté dans ce sens. Il n’y a donc pas de crainte à avoir.

Q4. Le rapport de l’OCDE intitulé « Panorama de la santé 2013 » fait le point sur la santé dans le monde. Le graphique précédent illustre l’évolution inégale du nombre de médecins dans différents pays. Comparée au Portugal, Grèce et Royaume-Uni, l’évolution du nombre de médecins en France entre 2000 et 2010 est faible. En cause une densité faible de nouveaux étudiants en médecine pour 100 000 habitants et une population de médecins vieillissante. Comment expliqueriez-vous cela ? Un assouplissement du numerus clausus est-il selon vous une solution envisageable à l’augmentation du nombre de médecins ?

En France, il n’y a jamais eu autant de médecins en exercice qu’actuellement. Le principal problème n’est donc pas le nombre de médecins ou une éventuelle variation du numerus clausus ; bien que la question se pose régulièrement afin de tenir compte de l’évolution de la population et de ses besoins ; mais plutôt, la répartition géographique des médecins.

Il y a toutefois un paramètre important à prendre en compte, c’est celui des aspirations des jeunes médecins. Les modes d’exercice évoluent, le temps de travail effectif tend à se réduire et la relation au patient évolue également. C’est une bonne chose. Les jeunes générations aspirent à un exercice regroupé, pluridisciplinaire, sans contraintes administratives et tourné vers le patient. Ce sont ces paramètres là que nous devons prendre en compte pour permettre à nos médecins d’exercer de cette façon. D’autant que nous sommes convaincus de sa portée positive pour notre système de soins.

Q5. Si vous pouviez changer quelque chose au système de santé français, ce serait quoi ?

Sa philosophie.

Notre système de santé a trop longtemps abordé la maladie via le prisme curatif et non préventif. Il est temps de faire évoluer notre modèle pour, non pas endiguer ou empêcher l’apparition de la maladie, mais plutôt maintenir les individus le plus longtemps possible en bonne santé. C’est une différence d’approche qui doit faire de l’éducation à la santé le pilier de notre politique de santé publique.”