Quel lien entre ADN mitochondrial et pronostic tumoral ?

Le cancer est une des principales causes de mortalité dans le monde, avec plus de 14 millions de nouveaux cas et plus de 8 millions de décès par année (statistiques de 2012). Les mitochondries sont des organites intracellulaires impliqués dans de nombreux processus cellulaires. Le principal facteur du développement tumoral est une respiration ce

Le cancer est une des principales causes de mortalité dans le monde, avec plus de 14 millions de nouveaux cas et plus de 8 millions de décès par année (statistiques de 2012). Les mitochondries sont des organites intracellulaires impliqués dans de nombreux processus cellulaires. Le principal facteur du développement tumoral est une respiration cellulaire (production de l’énergie métabolique pour laquelle les mitochondries jouent un rôle essentiel) insuffisante causée par un dysfonctionnement mitochondrial. L’ADN mitochondrial (ADNmt) est plus sensible que l’ADN nucléaire aux facteurs environnant, et son altération est supposée être étroitement liée à l’occurrence de différents cancers.

Contexte

Le nombre de copies de l’ADNmt (entre 100 et 10’000 par cellule) varie en réponse à l’environnement cellulaire, et constituerait un facteur de pronostic de différents types de tumeurs. Les études menées à ce sujet révèlent des résultats inconsistants, y compris au regard d’un même type tumoral.

Etude et méthodes

Une méta-analyse de la valeur pronostique de la variation du nombre de copies de l’ADN mitochondrial a été récemment conduite dans le but d’évaluer l’effet d’un grand ou faible nombre de copies dans le sang périphérique ou dans les tissus tumoraux, sur la survie de patients atteints de différents cancers. La revue de littérature a été effectuée jusqu’à la date du 23 mai 2016. Les résumés, rapports de conférence, études animales, revues et méta-analyses n’ont pas été pris en considération. Des analyses de qualité (échelle Newcastle-Ottawa), d’hétérogénéité (tests Q et I²), de biais de publication (tests de Begg et Egger) et de sensibilité (approche d’élimination progressive) des études/données ont été conduites.

Résultats

Au total, 18 études ont été sélectionnées, représentant 3961 cas de différents cancers. Les données ne montrent aucune association entre le nombre de copies d’ADNmt et la survie globale des patients de cancer (HR=0.923, p=0.652). L’hétérogénéité des données est amoindrie lors de l’analyse en sous-catégories selon le type d’échantillon. Un haut niveau d’ADNmt dans le sang périphérique apparaît ainsi prédictif d’un mauvais pronostic (HR=1.624, p=0.001) tandis que dans le tissu tumoral, un haut niveau est associé à une meilleure survie globale (HR=0.604, p=0.013). Ces associations sont en particulier démontrées dans les études sur population asiatique (HR=1.834, p200 cas, pour l’association avec l’échantillon sanguin uniquement, HR=1.532, p=0.007).

La survie sans récidive n’est globalement pas associée au nombre de copies d’ADNmt (HR=0.997, p=0.99). Cependant, l’ADNmt élevé dans le sang périphérique ou le tissu tumoral sont de nouveau associés à un mauvais pronostic (HR=1.582, p=0.038) et une survie augmentée (HR=0.593, p=0.005), respectivement. Ces associations sont particulièrement vérifiées au sein de la population asiatique pour le mauvais pronostic (HR=1.989, p<0.001) et dans les cas de cancers du système digestif pour l’effet de survie augmentée (HR=0.626, p=0.019).
Aucun biais de publication n’est statistiquement détecté, et aucune des études intégrées n’a d’effet particulier sur les résultats de cette méta-analyse.

Conclusions

Cette méta-analyse révèle qu’une quantité élevée d’ADN mitochondrial dans le sang périphérique de patients de cancers est associée à un mauvais pronostic, mais une telle mesure dans le tissu tumoral est associé à une survie améliorée, en particulier chez des populations asiatiques. Au niveau du tissu tumoral, une plus faible quantité de copies d’ADNmt associée à une issue défavorable peut s’expliquer par une hypoxie tissulaire, induite par le développement de la tumeur, et à l’origine d’une inhibition de la biogenèse des mitochondries. Un faible nombre de copies d’ADNmt peut engendrer une déficience de la phosphorylation oxydative, générant plus d’ATP, ce qui est associé au développement tumoral. Des mutations de gènes suppresseurs de tumeur, d’oncogènes, ou de gènes somatiques des mitochondries peuvent également engendrer une biosynthèse anormale de l’ADNmt. L’analyse du nombre de copies d’ADNmt dans les tissus tumoraux pourrait aider à la gestion thérapeutique à condition que les mécanismes impactant l’ADNmt soient étudiés en fonction des types et stades tumoraux.

Texte : esanum / jd
Photo : Designua / Shutterstock